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Claude Lévêque a rêvé d’art dans un ancien dortoir de l’abbaye de Frontevrault.

10/08/2018

…en même temps qu’on se laisse porter par les suggestions humaines ou poétiques d’une installation esthétique sidérante d’Art.

 

Un ancien dortoir vide et sans fenêtres, un espace tout en longueur aménagé sous le calme des toits. La vastitude du lieu, impérial comme l’abbaye de Frontevrault qui l’abrite, laisse penser qu’il fut peuplé d’une foule de dormeurs, d’une flotte innombrable de rêveurs. Dans ce lieu devenu un espace artistique, Claude Lévêque a disposé un paysage supposé. Une rivière imaginaire est sensée cheminer discrètement dans la nuit convenue, des barques reposent mystérieusement sur l’eau calme. Le paysage où baigne une pénombre persistante n’est éclairé que par le dessin sinueux de dizaines de tubes luminescents rouges filant en rideau depuis le plafond. Aucun son ne se fait entendre, aucun vent n’agite l’air, les barques semblent assoupies, le chemin de lumière serpente comme une petite rivière lambine en silence entre ses berges oubliées, comme le souffle retenu de la pénombre environnante parcourt l’atmosphère d’une méditation implicite. Il est indiqué que l’artiste espère que des visiteurs vont s’allonger sur ses esquifs, que peut-être leurs yeux grands ouverts dans l’obscurité régnante ils vont songer à cette rivière dont ils suivent en paressant le parcours au-dessus d’eux, qu’ils vont peut-être s’assoupir et faire corps avec l’apesanteur de l’atmosphère…

Les yeux à demi ouverts, les pas insonores, on déambule en feignant de marcher sur l’eau, incertain entre songes et hallucinations, on forme des mirages, on suppute des visions, on forge des récits et des légendes, étrangement chaque fois. On refait le monde de Fontevrault, celui des moines et des moniales depuis l’an mille, des rois ou de ceux qui s’y confondirent ou qui parfois s’y perdirent, des détenus d’avant l’an deux mille, avant que le site devienne un musée, qu’on oublie les aspirations des candidats au martyr biblique et les douleurs réelles des condamnés, on rêve et on répare en même temps qu’on se laisse porter par les suggestions humaines ou poétiques d’une installation esthétique sidérante d’Art.