ZeMonBlog
26/01/2023
Des horizons artistiques diversement attachants…
Christian Marclay au centre Pompidou.
Musicien inspiré par l’avant garde américaine des années « Black Moutain Collège » et artiste multicartes, Christian Marclay monte des projets d’œuvres variées et produit des objets d’art moderne en quantité. En ce sens, l’exposition fait montre d’une activité inlassable autour du paradigme de la musique : ses instruments, ses orchestrations et leurs supports, ses acteurs, sa scénarisation… Sa production est débridée, souvent distrayante et se veut apparemment aussi conceptuelle en puisant indifféremment dans les cultures surréaliste, dada, pop, punk, ou « new wave » etc. Toutes choses étant cependant pour lui à peu près égales, la pratique artistique de Christian Marclay apparaît en même temps plus « trouvailleuse » qu’innovante, et davantage changeante qu’inventive.
Sans guère creuser le sens et la forme, son travail vit d’une allure esthétique, chaque idée est toujours développée de façon littérale. Christian Marclay fait approximativement œuvre d’à peu près tout ce qui se présente dans un style qui, ayant été artistiquement incarné et apparenté avant lui par d’autres, finit par n’être que spectaculaire. L’exposition bluffe comme un amas d’objets où des gadgets clinquent et illusionnent.
« Plus, mieux – Jeux idéaux » au centre d’art contemporain les Sheds à Pantin.
L’exposition organisée autour du thème de l’enfance a été imaginée par Philippe Marcus et Ninon Hivert dans le cadre de la résidence de l’association Art Mercator au centre d’art. Y participent, les artistes : David Bartholomeo, Echo, Ninon Hivert, Marie Cécile Marques, Philippe Marcus et Guillaume Mathivet.
« Plus, mieux – Jeux idéaux » se déploie dans l’ensemble de l‘espace du centre d’art comme une scénographie et un terrain vague où le public peut se promener à son gré d’une œuvre à l’autre. Le caractère à la fois ludique de l’enfance et l’idée de dépasser la « bricologie » de l’accrochage artistique servent de programme pour des pratiques, des œuvres et leur approche à hauteur de rêverie, de monde fantasmé et d’éclosion imaginative.
Certaines œuvres sont conçues pour flotter dans l’espace ou apparaître comme un plateau de jeu, d’autres se déploient sur des murs peints fictifs, ou en fresques assorties d’éléments déplaçables comme dans un jeu de (dé)construction. On trouve aussi des œuvres élaborées comme des mini-théâtres entre peinture, sculpture et installation in-situ. Si évidemment on peut ne pas être personnellement conquis par toutes les œuvres, je me dois de dire l’intérêt esthétique des réalisations de Philippe Marcus, peintre et orchestrateur d’une fresque aux accents pop et à l’incomplétude réjouissante, de Guillaume Mathivet, astucieux concepteur d’un mur associant plastiquement des graffitis à une reprise de l’environnement urbain du centre d’art dans un esprit un rien cubiste, et de Ninon Hivert, habile scénographe d’un cold case de corps humain en forme de bas et haut relief d’apparence hyperréaliste. Sur le mur, tout parait à la fois étrange et onirique, les diverses parties du corps encore enveloppées de leur habit appellent un puzzle imaginaire et rémanent…
Il est réjouissant de remarquer l’importance et la surprise que chacun(e) des artistes donne à l’instauration plastique d’une expression et d’équilibres formels en tension avec un intérêt esthétique auquel il aspire et qu’il cherche à partager avec force.
Raphaëlle Ricol galerie Patricia Dorfmann
L’exposition a pour intitulé : Affranchi. L’artiste souhaite attirer l’attention sur la singularité voire l’opposition stylistique des œuvres entre elles, quitte à ce que les tableaux « s’entrechoquent » et qu’une apparente cacophonie déconcerte ; l’ensemble des œuvres traduit ce préalable avec soin. L’apparente cohérence du thème des tours de cartes (l’artiste écrit être familière de techniques de cartomagie) et un certain savoir faire pictural permettent en même temps de s’attarder sur certaines peintures, par ailleurs directement inspirées d’œuvres historiques (Le tricheur à l’as de carreau peint par Georges de la Tour ou Les tricheurs peint par Caravage). Une interrogation demeure sur l’ensemble de l’exposition et les procédés plastiques ou les démonstrations techniques de l’artiste : pourquoi bâcler autant l’envie de faire semblant de « d’à peu près » peindre à partir de l’expressivité du geste spontané et tout « en pourrissant » les efforts de certains artistes réputés sur ces tactiques d’apprivoisement de la nonchalance ou de la désinvolture feinte (la sprezzatura en Italie eu 16e s.), ou bien, plus proches de nous, des manières « relâchées » d’Otto Dix, Matisse ou Francis Bacon) ? Davantage choquantes qu’entrechoquées, des œuvres déroutent par leur médiocrité plastique plus que par leur esthétique. De sorte qu’avant de retenir peut-être une leçon d’ « Art modeste », on ressort avec le sentiment de propositions sans perspectives.
Abdelkader Benchamma à la galerie Templon rue Beaubourg
L’artiste s’appuie sur l’esthétique formelle du kaléidoscope (miroitements, réplications vs duplications, symétries, décalques, répétitions, dispersion etc.) pour scénariser, tantôt à plat sur papier marouflé sur toile, tantôt dans l’environnement, des compositions purement visuelles (et optiques). La démarche, essentiellement technique et conditionnée par l’envie de produire un spectacle est largement préemptée par ses procédés. L’image d’ensemble est certes saisissante mais largement superficielle : les apparences d’installations in-situ présentées sont approxima-tivement sculpturales ou environnementales, et vaguement théâtralisées ; chaque œuvre peine à exister aussi bien formellement qu’expressivement. Comme en 2019, on garde l’impression d’un bluff créatif et d’une production plastiquement sans intérêt.
Jeanne Vicerial chez templon, rue du Grenier Saint-Lazare
Jeanne Vicérial est ce qu’on appelle une designer textile. Sa maîtrise des codes de son métier et l’exposé qu’elle en donne avec cette présentation est impressionnante de créativité technique et formelle. Il est indiqué qu’elle collabore avec des chercheurs en robotique (Paris Tech) et, d’une façon ludique et artistique les milieux du théâtre et du spectacle. Sans être accessoire, son engagement social est patent de par l’honneur fait au corps féminin ; c’est peu dire qu’en ce sens, la volupté et l’élégance noire de ses compositions plastiques/textiles parlent d’une liberté d’imagination naturelle. Reste la présentation de l‘exposition prosaïquement trop démonstrative et un peu « surexposante » quant aux preuves de compétences techniques déjà avérées. N’était-ce une belle installation murale en forme de cabinet de curiosité sur le thème d’un « sex voto » réjouissant de poésie, et à l’inverse, une sculpture inutile mais disruptive en partie constituée d’un robot esthétiquement lourdaud, la créativité de l’artiste et le monde sculptural évoqués dans la notice de présentation paraissent gelés dans des visions de vestiges et de statuaires désincarnées.
Laurence Papouin au Bon Marché vs la salle du restaurant Primo Piano
L’essentiel des œuvres appartient à l’ensemble présenté initialement à la galerie Richard en octobre dernier. A cette occasion, j’ai, écrit le bien qu’il faut en penser, tant sur le plan esthétique que sur le fond des recherches plastiques.
Dans leur format réduit, les nouvelles compositions exposées mobilisent encore l’attention sur l’usage réel, suggestif et simultané de supports et de matières diverses. L’attention de l’artiste est d’apparenter sa pratique plastique à une abstraction et un tachisme, un collage et des apparitions ou des disparitions progressives de formes, des atmosphères parfois vides ou évanescentes pour in fine dématérialiser allusivement à vue son travail visuel au profit de sensations également temporelles. L’œuvre orientée vers une expression visuelle aussi intimiste que factuelle et mémorielle tend à apparaître sans cesse. Dans la salle du restaurant Primo Piano, en condensant subtilement l’intitulé de chaque image sur un narratif imaginaire autour du portrait : « Sonia#bd, bj ou be… », voire dans une action toute aussi fictive : « Dancing in the kitchen », Laurence Papoin diffuse des inspirations que l’espace spécifique de la galerie première couvrait accidentellement.
La présentation en avant-première de deux nouveaux collages complète l’exposition et témoigne d’autres perspectives de recherches de l’artiste. S’il est encore trop tôt pour prédire la les développements d’une recherche qui s’annonce déjà prometteuse ; ceux qui sont visibles arguent l’intérêt de Laurence Papouin pour l’empreinte ou la trace dans la matière visuelle.
L’artiste, présumant la difficulté de valoriser son travail dans le contexte, use avec talent de l’espace disponible. L’esthétique monumentale et discrètement antique étend par métonymie les recherches plastiques instauratrices à l’origine des œuvres.
Paul Collins, peintre chez « Moments artistiques » rue de Turenne…
« Dans un appartement du Marais, à Paris, depuis 1999, chaque troisième vendredi du mois et les jours suivants, un artiste est invité à exposer ses recherches et travaux. Un contre-événement lui répond. »…Paul Collins est l’invité de ce mois de janvier 2023.
Peintre féru de techniques graphiques d’impression autant que d’expression plastique, Paul Collins y a réuni un ensemble de recherches picturales sur le thème « Marginalia ». Les peintures ont l’aspect de compositions abstraites de tendance géométrique et paraissent en même temps narratives à travers des vignettes réalistes ponctuellement tamponnées comme des signatures ou comme des graffitis humoristiques fortuits.
La prégnance de techniques apparentées à des collages, des reports et des surfaces d’impri-mées frappe le regard. Chaque peinture est ainsi faite de diverses manières de découper ou d’architecturer la surface des toiles en réseau de plans multiples, puis utiliser et détourner ou déconstruire le principe graphique des trames généralement utilisées pour restituer les nuances de couleurs et de teintes. Issus des décalages apparemment accidentels, des motifs apparaissent par moirages qui transforment alors les surfaces en zones optiques et vibrantes. L’artiste semble à fois se concentrer sur la conception formelle et visuelle de ses tableaux et « en marginalia » sur l’humour procédurier qu’il scénarise en « accrochant » ses vignettes aux compositions avec une désinvolture amusée. Sa connaissance de l’histoire de l’art est aussi approfondie et sensible que décontractée. En échangeant avec lui, j’accepte sans difficulté sa proximité intellectuelle et complice avec celle, parfois sarcastique d’Ad Reinhardt. Toutes choses qui interrogent la réciprocité teintée d’ironie qui fonde le paradoxe disruptif de leur association.