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Au fond David Hockney fait peut-être semblant de jouir…

30/08/2017

David Hockney à Beaubourg. Au fil des salles, la dextérité apparente du peintre à mettre en scène une peinture toujours savante subjugue. Ou "trompe"…!

David Hockney à Beaubourg. Au fil des salles, la dextérité apparente du peintre à mettre en scène une peinture toujours savante subjugue. Dès les premières œuvres, des paysages, la complexité de focales et de cadrages volontairement compliqués par le peintre font présumer que des sous entendus ont régulièrement été ménagés entre les sujets et leurs compositions, jusqu’à renvoyer la part créative de son travail à des traversées d’encyclopédiste. Au bout de l’exposition, avec la dernière salle consacrée aux dernières recherches du peintre sur « des perspectives inversées », la conviction qu’Hockney entend soutenir ses images colorées en s’appuyant sur des références s’impose toujours. Dans les autres salles, des séries d’inventions visuelles et les exemples de pratiques différenciées portraiturent un plasticien aux élans débonnaires et aussi objectivement technophile que passionné par les sciences de l’art, aussi féru d’histoire de l’art que sensible à toutes les amitiés artistiques enviables, qu’il s’agisse d’emprunter un style, de faire écho à l’échelle d’un format ou d’un détail réputé d’une œuvre refaisant opportunément surface.

Consacrée à des portraits d’amis (qu’on peut aussi voir comme des références culturelles), une salle entièrement consacrée au dessin réunit des études consacrées au travail graphique. Surprenant sur les points de vues illustratif et plastiques du genre, Hockney se révèle fulgurant dans la mobilité du geste, goguenard avec l’habileté, vif sur les signes expressifs, tendre pour le regard naturel des modèles régulièrement captés au moment où leurs yeux brillent. Pas un dessin où l’artiste ne joue tous les aspects disciplinaires du dessin en se gaussant d’effleurer les conséquences esthétiques d’un trait versé aux multiples versions de l’improvisation formelle, par une œuvre qui ne prouve des affinités avec une gaucherie technique aux accents humoristiques. Avec l’engagement d’outils conventionnels aussitôt déconventionnés, la maitrise du peintre déroute. Chaque fois, c’est à la suite d’un mouvement de « pourquoi pas ? » que paraît l’humus de son art. Chaque fois, qu’un mouvement décomplexé d’« Allons-y ! » coule en même temps dans ses veines d’artiste.

Restent ça et là des réponses plastiques à la culture bizarrement assumée, seulement allusives. David Hockney, qu’une insouciance plastiquement affichée entraine dans une picturalité toujours plus exubérante déroule à l’inverse de ses accommodements et ses « amusements » des questions certes vaguement imprécises et peut-être propres au visiteur, mais sont des questions quand même. Les œuvres peuvent dès l’instant susciter un doute légitime quand on sent le geste du peintre quelque peu vacillant (il assure pouvoir puiser dans tous les styles et à toutes les personnalités, mais la « maladresse » de leur citation plastique suscite la perplexité sur la culture qu’il en garde. L’artiste s’appuyant sur une pratique du geste pictural tout à la fois grossier dans son dessin et naïvement créatif quant au coloris vise t’il un art instruit mais pouvant passer pour vaguement savant et formellement détaché. Une inextricable inquiétude métaphysique quant à la possibilité de n’exister que par sa vie picturale semble agir comme un envers et fond audible pour un artiste constamment affairer aux conditions de sa pratique créative. Elle taraude in fine autant l’apparence goguenarde de ses moyens que ses sources picturales.

Août 2017