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Galerie Nathalie Obadia, Expo Valérie Belin.

21/12/2017

Six très grands portraits photographiques de femmes réalisés en noir et blanc sont exposés. Il est mentionné que la série s’intitule « Painted Ladies »… 

Six très grands portraits photographiques de femmes réalisés en noir et blanc sont exposés. Il est mentionné que la série s’intitule « Painted Ladies » et qu’elle totalise en fait huit œuvres. Des équivalences entre l’instantané photographique, le geste pictural et l’idée d’une composition semblent traverser les œuvres à première vue improvisées. Argument subjectif complémentaire, l’ensemble fait penser à des photos de presse saisies au débotté dans un studio de cinéma ou dans les coulisses d’un défilé de mode.

Regards perdus et flottants, yeux surmaquillés et bouches couvertes de rouges divers, pommettes et joues transformées en tableaux informels, interprétations des fonds ambiancés comme des mondes intérieurs à l’aide d’outils numériques font hésiter sur la catégorie des œuvres : photographie, peinture, mode… ? La gamme des teintes entre noir et blanc et des accidents visuels : floutages, effacements et brouillages apparemment fortuits des contours complètent l’ensemble qui appelle formellement un temps de contemplation propre aux productions purement visuelles. L’intitulé des œuvres évoque encore la combinaison d’un réalisme factuel et des entendements spécifiques d’artiste peintre : Lady­­­­_Shadow, Lady_Blur, Lady_Brush, Lady_Round, Lady_Strips, Lady_Pastel, Lady_Stroke, Lady_Inpainting…

Au départ mannequin d’agence le visage de chaque modèle a été retravaillé dans un esprit expressionniste. Les poses théâtralisées des modèles et la fabrication d’une émotion intérieure apparemment naturelle sur leurs visages croisent l’orientation psychologique du portrait psychologique au 18es. Les œuvres peuvent en même temps être dans leur ensemble comparées à des variations visuelles que Claude Monet a rendu sensibles, des expérimentations plastiques sur lesquelles Odilon Redon a rêvé ou des sentiments personnels scénarisés par Hitchcock. Subjectivement toujours, je crois retrouver quelque procédé de composition que Victor Hugo pu mobiliser pour l’onirisme de ses lavis en faisant balancer ses compositions entre inconsistance passagère et surgissements imprévus de sujets innommés. Le geste pictural régulièrement rapproché de l’aura1 de l’instantané photographique jusqu’à s’y confondre et des citations artistiques avérées ou suggérées justifie d’autres perspectives, celles là purement esthétiques, avec le genre de la peinture cultivée.

Valérie Belin travaille l’image du portrait réel, irréel ou virtuel en filant et en déroulant à sa façon sur le sujet toutes les pelotes esthétiques : historiques, conventionnelles ou purement narratives et imaginaires… On la sait sur ces territoires, vivement intéressée par ce qui signe une apparence, ce qui la masque ou la transgresse, ses joyaux comme ses nippes et ses oripeaux, ce qui à ses propos susurre et ce qui glose. Elle s’attentionne pour les gestes, qu’ils soient spontanés ou suggérés, amples ou discrets, pauvres ou bavards, calculés et signifiants, elle les retouche, les fait dériver, elle les transgresse, les honore humainement. Elle arrange tant qu’elle peut sa pratique photographique avec son érudition artistique, en fait l’une comme l’autre aussi poétique et personnelle, et par ailleurs instantanée vive.

Ses manières de programmer ses œuvres, ses gestes pressants de photographe devant les faits surgissant et ceux de son improvisation créatrice éclairent l’empirisme teinté de métaphysique de son travail. Et tout devient photographiquement aussi passionnant et beau à voir qu’un Grand Tableau.