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Sandrine Elberg et les poussières d’étoiles, galerie du Crous

10/04/2018

Portée par son art de la photographie, Sandrine Elberg, admiratrice silencieuse des voyageurs romantiques et peut-être nostalgique des horizons imaginaires du pictorialisme entreprend de partager ses balades cosmogoniques.

Dès l’entrée de la galerie, une série de photographies représentant des galaxies indique le thème de l’exposition : « poussières d’étoiles ». Fonds noirs, impression sur plaques d’aluminium, formats proches d’un carnet de croquis, teintes blanches et métalliques des sujets sur le fond opaque, contours évanescents pour des dispersions de nuages étoilés ; chaque image suggère au spectateur un voyage intérieur et céleste à la fois. Partout ailleurs dans la galerie, la même promesse de décollage produit les mêmes effets de transports oniriques, les murs de la galerie devenue capsule spatiale font place à des hublots à travers lesquels les œuvres, comme des météorites, croisent des planètes imaginaires dans le noir de nuits métaphoriques.

Piquée de curiosité pour son thème de recherche, Sandrine Elberg rejoue l’image de l’information documentaire par une scénarisation qui emprunte ses décors au monde scientifique autant qu’à celui d’apprentis explorateurs. Chaque image, deux fois réinterprétée et son rendu élargi jusqu’à paraître dessiné, entraîne les visiteurs dans des dérives aussi paradoxales que poétiques. Ce ne sont alors plus des photographies qui sont exposées mais des compositions plastiques dont tous les éléments  réalistes ou recréés maillent ensemble. Le grain des étoiles et l’instant de la prise de vue étroitement associés font place au microcosme d’un champ de poussières et aux touches répétées d’une œuvre pointilliste ; les vues s’inversent en passant du négatif au positif, l’intercession visuelle de la teinte aluminium des fonds rend chaque image aussi naturelle que décalée. En même temps, un quadrilogue virtuel semble subtilement s’instaurer à propos du photographique ; Sandrine Elberg échangerait avec Walter Benjamin, Rosalind Krauss et Roland Barthes1 en partant de ce qui fait sémantiquement signe ou ce qui a esthétiquement valeur d’index… Voyages interstellaires, intergalactiques, cosmogoniques, spatiaux ou simplement extraterrestres, voire extrasensoriels, on ne sait alors à partir de quels échos l’artiste construit ses rêves d’échappées. Peut être tous ? Faut-il absolument le savoir ? A t-elle voulu que l’espace de la galerie devienne simultanément un observatoire et une demeure-livre de voyages en exposant à la fois des œuvres photographiques, des dessins extravagants de spationautes et des matériels d’astrophysique ?

Certaines œuvres semblent aussi être ironiquement encadrées comme des portraits tandis que d’autres sont apparentées à un inventaire scientifique. Situé au fond de la galerie, un gigantesque photogramme évoque une vaste fresque pariétale illustrant un ciel imaginaire où par multitudes des planètes et des étoiles de toutes dimensions émergent et flottent. Fonds noirs, reflets métalliques d’une lumière parfois crue, silhouettes allusives, les photographies plus inventées que reproduites de Sandrine Elberg font interférer le réel avec un théâtre démesurément intérieur. Chaque œuvre participe d’une vision parfois plus métaphysique que naturelle. En un instant, juste au moment du clic de la prise de vue, au rappel de « l’imparfait de l’objectif »2, les poussières d’étoiles s’agrègent et se dispersent pour redevenir la nuit étoilée de Van Gogh, un rêve de Munch, un décollage et une fantaisie de Man Ray, une transfiguration d’André Masson, un théâtre apocalyptique de Professeur Tournesol. En permanence, Sandrine Elberg entreprend avec humour et poésie de partager la découverte de ses paysages cosmogoniques.

 

1/ Walter Benjamin, L’aura photograhique in L’œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique ; Rolalind Krauss, Notes sur l’index ; Roland Barthes, La chambre claire. 2/ Robert Doisneau, L’imparfait de l’objectif.