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« Marocco », une réalisation sublime de Brice Marden chez Gagossian…

05/05/2019

L’esthétique toujours nuancée des lignes composant chaque dessin suggère une création par nature in process…

Alignés sur les murs comme les pages successives d’un livre virtuel, les dessins semblent à la fois décrire un chemin de mémoire et par étapes une réflexion en profondeur sur l’art du dessin, ses architectures et sa plasticité partagées. De fait, les enchevêtrements et les entrelacs dessinés intitulés « Marocco » de Brice Marden soulignent que l’artiste a une passion autant pour la forme spectaculaire du geste du dessin que la recherche qui le fonde.

Chaque dessin de la série – plus d’une soixantaine – se compose d’une feuille orientée verticalement dont la moitié supérieure est occupée par la silhouette vaguement carrée d’un entremêlement de lignes ou de points la plupart du temps réalisés à l’encre ou peints en noir et blanc. Les compositions de points, se présentent comme des taches posées successivement, à la façon d’une trame ou d’un semis. Pour les lignes, pas de géométrie autoritaire, le fil d’une ligne sinueuse court en tous sens et s’embrouille pour former selon les cas des réseaux diversement compliqués. L’esthétique graphique des œuvres toute en nuance est parfois accompagnée de traces de couleur, confirmant qu’à travers ses variations et son unité d’ensemble il s’agit pour Brice Marden d’un travail in process et en l’état non fini.

 

  Les soixante œuvres exposées comme s’il pouvait aussi s’agir d’un dispositif dégagent une allure d’installation apparemment prévue. Par leur hiératisme, leur simplicité processuelle et le temps allongé par leur variation, l’expressivité des dessins se sublime d’une beauté évènementielle fascinante. Avec ses oscillations entre un principe iconographique et une méthodologie méditative proche de la contemplation, la série emporte l’adhésion. On  se pose devant les méandres langoureux et multicolores dessinés par une tache d’huile sur une surface d’eau, les rythmes aléatoires d’une musique de Phillip Glass ou Terry Riley, voire quelque graphisme de Marian Zazeella en écho à une composition musicale de La Monte Young, peut-être encore une danse de Luncida Child. En assumant l’expérience artistique comme une inaction réflexive en concordance avec une esthétique Zen, Brice Marden donne à travers chaque œuvre le sentiment d’avoir eu à cœur d’illustrer autant une réflexion philosophique sur la sérénité qu’un jeu de hasard.

L’exposition demande donc du temps, requiert le silence, suscite une curiosité admirative et incite au retrait métaphysique. Tout en instillant par sa retenue une exigence d’art aussi éthique qu’esthétique.