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De droite à gauche et divaguement ça où là…

31/05/2019

En divaguant de galerie en galerie, enfin pas toutes, des deux cotés de la Seine…

Rue du Bac, chez Maeght, un peintre nommé Fiedler expose un ensemble de tableaux sur le thème : « matières ». Toutes les œuvres présentent une sorte de mur peint uniforme sur lequel l’artiste a esquissé d’une ligne approximative une vague silhouette généralement abstraite avec l’embout d’un tube de peinture. Parfois, plusieurs formes semblent se superposer ou se combiner. Les compositions paraissent centrées sans qu’on perçoive la raison intuitive ou travaillée de ce choix. Chaque œuvre interroge sur son esthétique sans combler les doutes, et les références plastiques apparaissent chaque fois superficielles sinon transparentes. In fine, l’ensemble de cette production dont l’esthétisme est le fil unique paraît ne viser qu’un programme gras bourgeois.

            Un peu plus loin dans la même rue, galerie Fournier, une exposition intitulée « incontri » (rencontre, réunion… en Italien) s’attache à rendre hommage à Pierre Buraglio. Les œuvres réunies tracent l’aventure esthétique, intellectuelle et désormais historique du peintre sur un demi siècle depuis les années 1970. Toutes montrent des compostions à la fois ironiquement spontanées et d’aspect faussement brut, toujours conceptuellement subtiles et raffinées. Outre les œuvres marquantes de Buraglio lui-même, l’exposition inclut des raretés de James Bischop, Simon Hantaï, Claude Viallat voire Michel Parmentier. Il s’agit de compagnons artistiques du peintre. Il se trouve que ce sont aussi et toujours des créateurs essentiels de l’époque dont l’aura demeure. Aucune réserve au sujet d’Hantaï, Viallat ou Parmentier, leurs œuvres montrent chacune le talent, l’ironie et les compétences plastiques et techniques imaginées de leurs auteurs. Pour Parmentier, j’avoue avoir fait une découverte inattendue. Que dire du tableau de James Bischop (la possibilité de voir ses œuvres est tellement rare et exceptionnelle), sinon que c’est une œuvre aussi somptueuse et expressive que finement picturale ? Et qui à elle seule vaut le déplacement.

Dans la première galerie, de l’esbroufe commerciale. Dans la seconde, dignité et création.

 

Poursuivons ça ou là, en vadrouillant de l’autre côté de la Seine.

 

            Rue de la Verrerie, chez Patricia Dorfmann, une sélection particulièrement riche et expressive de Maryan. Sur les murs, des peintures et des dessins réalisés « durant les années New-york ». Toujours des clowns dont, à l’instar de Malraux devisant sur les autoportraits grimaçant de Rembrandt, on ne sait si les tronches des clowns de Maryan hurlent ou rient, si elles jouent ou pleurent. D’autres dessins et peintures montrent encore des personnages grossièrement représentés en train de tirer la langue, déféquer ou pisser, souvent tout en même temps dans un délire visuel ironique et sarcastique. Partout, ce ne sont qu’images ou silhouettes burlesques, caricaturales, carnavalesques, insérées dans ce cerne gras et grossier qui est la marque du peintre et dont l’usage varie dans un style toujours tonitruant. En récusant tout autre qualificatif de sa peinture pour n’en parler qu’en termes de « peinture vérité », on sait que Maryan a arbitrairement clos tout jugement temporaire ou définitif sur son travail. On ne peut donc que dire si on aime ou pas. Perso, j’admire.

 

Galerie Nathalie Obadia, le peintre réaliste Guillaune Bresson… Passés les éléments de langages très commerciaux de la présentation, que reste t-il ? Des images illustratives et narratives, parfaitement lisses dans une esthétique hyperréaliste reconnue. Peu d’engagements nouveaux ou critiques par rapport à ce qu’on sait du genre, ses animateurs historiques, quelques détracteurs qui, à l’insu de leur insensibilité, l’ont en définitive conceptuellement valorisé. Ce travail d’une dextérité technique indéniable et sur le fond peu original n’a de moderne que son affaire commerciale.

Carmen Perrin à la Galerie Putman. Aucun intérêt ni formel ni conceptuel. Tout ce qui est présenté a déjà été inventé esthétiquement avec plus de finesse et de sagacité… (Cinétisme, Duchamp, Graphisme et expression visuelle, minimalisme formel etc). Tout a été aussi bien réalisé techniquement.

Djamel Tatah, galerie Poggi. J’avais peu d’attirance pour ce travail réaliste apparemment sommaire et que j’espérais faussement simple, cette peinture à la fois très cadrée, très stylée et aux références historiques et artistiques parfois marquées (particulièrement certains peintres du XXe s). Curieux d’en revoir des éléments pour vérifier et peut-être contredire mes premières réserves, et découvrant le peu de volonté de l’artiste à en faire évoluer sinon l’apparence (au sens d’une démarche poïétique), du moins l’actualité de son insertion historique, cette peinture, sujet et plasticité, selon moi devenue simplement répétitive, évolue comme un travail dont l’intérêt technique, plastique et esthétique reste pauvre.

 

Chez Templon, rue du Grenier Saint Lazare : Les peintures de Kehinde Wiley. Les œuvres sont des peintures de très grand format, réalisées dans un style photographique. Elles sont à la fois vivement colorées, exotiques et naïves, rappelant une collection d’images documentaires artisanalement peintes dans de vagues ressemblances avec Gauguin et le Douanier Rousseau. Les thèmes et les compositions sont inspirés par l’existence, la vie et le milieu des rae rae à Tahiti (Les rae rae sont des femmes transsexuelles de Tahiti). A travers leur réalisme léché et platement analogique, les peintures, plus habiles que soutenues par une recherche plastique critique avérée, se répètent selon les codes d’un formalisme propre à satisfaire des collectionneurs-touristes fortunés.

 

Rue Chapon, galeries Tokonoma, Isabelle Gounod, Papillon, Christophe Gaillard.

« Scapeland/dynamiques de paysages » l’exposition de la galerie Tokonoma propose deux conceptions de dessins de paysage. Hélène Muheim invente des contrées oniriques où à travers des sortes de nuages présentés verticalement ou de halos complexes de végétations confuse et de nature indéterminée. Les compositions jouent la confusion du ciel et de la terre, l’inversion de l’avers avec l’envers, l’assemblage avec le mélange… C’est très bien dessiné, spectaculaire même… mais trop proche d’un exercice scolaire soigné pour satisfaire une création emportée par l’arbitraire et la subjectivité personnelle. De son côté, Fabien Granet laisse dériver son imagination depuis une grille à partir de laquelle il compte dégager des motifs et des perspectives de paysages fantastiques. Réduits à des photographies virtuelles, les dessins déclinent la saisie de visions fantasmatiques captées comme des images critiques et fortuites, assemblées et montées comme les cutd’un storyboard imaginaire. Et chaque fois, ce ne sont qu’allusion à des silhouettes furtives ou sensationnelles, toutes révélant des réalités plastiques aux lisières incertaines. Un peu formelle, la précédente exposition de Fabien Granet peinait à subjuguer. Cette fois, c’est surprenant d’efficacité suggestive et de discrétion technique. C’est surtout esthétiquement très beau.

 

Galerie Isabelle Gounod, Sophie Kitching. Toujours inspirée par le spectacle des vitrines, Sophie Kitching poursuit ses recherches sur les reflets et l’émergence des formes prisonnières de leurs transparences parfois embuées. Le paysage est son thème, en filigrane, le reflet est son moteur créatif. Elle l’exploite picturalement par des visions floutées ou des taches informes et multicolores dispersées sur des plaques superposées en plastique ondulé translucide. Claude Monet ou les marques de sensations formelles de Louis Canes apparaissent comme les inspirateurs d’une manière qui se veut un style libéré. C’est parfois intense et plastiquement très beau. En même temps on s’inquiète de l’aspect quelque peu fabriqué des peintures. L’artiste, qui semble vouloir peindre comme on mène une recherche artistique et esthétique fondamentale semble aussi se contenter de recettes. Par quoi confirmer l’attente sans diminuer l’espoir en réserve?

Pierre Tal Coat dans les deux espaces de la galerie Christophe Gaillard. L’exposition intitulée « L’émerveillement abrupt » permet de voir des peintures rares, souvent de très petit format : des paysages peints sur des couvercles de boite de cigares, de minuscules pièces de bois semblant récupérées à l’improviste…  Tal Coat est à mes yeux un plasticien et un peintre à la technique admirable, travaillant toujours « sans filet »*, puissant et libre, émouvant sans jamais paraître las de simplement s’exprimer comme sujet. J‘estime aussi impossible de l’oublier tout comme Bram Van Velde ou Geneviève Asse, Eugène Leroy ou Giacometti. L’exposition a des allures de rétrospective un peu trop scénarisée, le commerce s’impose lourdement… Dans la même veine, je m’interroge sur l’extrême mauvais goût et la stupidité de certains encadrements choisis pour quelques œuvres de très petite taille. On ne pouvait pas étouffer plus efficacement le souffle du peintre.

 

  Jeff Elrod Galerie Max Hetzler, rue du Temple. De grandes peintures hybrides, réalisées conjointement sur écran et sur toile. Si le procédé esthétique et pictural n’est pas nouveau, il est rare de l’employer dans un esprit de recherche aussi expressif. Guidée par une abstraction gestuelle à la fois envahissante, nerveuse et sensible, chaque composition laisse planer une improvisation maîtrisée comme on manipule une esthétique visuelle saisie dans un instantané. Digitaux ou manuels, les gestes paraissent osciller entre irruption et retrait ou pause et emballement. Des actions d’effacement répondent à des entreprises de construction apparemment programmées, des espaces s’emplissent, d’autres s’estompent ou se dématérialisent sans réciprocité, incomplémentaires. Les formes, les lignes, les matières et les couleurs, les échelles et les contrastes, la droite et la gauche, le haut et le bas, le centre et la périphérie, enfin tout ce qui se voit et se présente paraît s’embrouiller pour se fondre dans un fouillis all over à la fois primaire et recherché. In fine, en suscitant autant de contemplation que d’écoute virtuelle, chaque œuvre opère comme un concert et une performance.

 

Alice Gautier à la galerie " H galerie". C’est étrange de voir comme chez certain(nes), l’art tout de suggestions plastiques de Françoise Pétrovitch ou narratif et esthétisant de Barthélémy Togo ne parviennent qu’à se transformer en plasticité gracieusement descriptive.

Même galerie, les dessins au fusain et au pastel de visages d’enfants exposés sont des portraits d’artistes aujourd’hui réputés. L’art, cette fois émouvant et toujours facétieux de Corine Borgnet est-il un essai de retours métaphoriques sur quelque origine historique de sa passion pour l’art ? A travers leur style proche de la figuration narrative, chaque dessin rappelle et fait signe de rencontres aussi réelles qu’imaginaires.