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Au Crous, « Pour une peinture sans image » : une exposition sans consistance.

21/07/2019

Qu’elle relève du passée ou du présent, l‘expérience pratique et/ou imaginaire de la peinture et l’interprétation arbitraire du monde peint ne résiste pas à la traversée d’images.

« Pour une peinture sans image »… Le titre en forme d’oxymore fortement plébiscité par ses organisateurs sur Facebook pour son caractère intrigant promettait en miroir une exposition aussi fortement critique. Comment en effet penser aujourd'hui une peinture sans image après (au hasard) Eugène Leroy, Support Surface, Yves Klein, Pollock, Bram van Velde, André Masson, Tal Coat, Victor Hugo, Turner et les ciels de Pierre Henri de Valencienne ou le tachisme prospectif d’Alexander Cozens, lesquels chacun à sa manière, ayant imaginé la peinture livrée à ses « seuls » moyens et l’artiste à ses compétences de poète visuel…

L’ensemble des peintures exposées sont à l’exception de celles de Lionel Sabatte d’un creux, d’une faiblesse picturale et d’une inconsistance critique confondants. Comment des artistes, pour la plupart peintres revendiqués, peuvent-ils à ce point ignorer la problématique d’un travail potentiellement « sans image » d’artistes qui les ont précédés, que leurs sciences de l’art, les théories s’ouvrant sur l’hypothèse qu’une image même mentale devance, accompagne ou poursuit la peinture dès lors qu’on s’attache à mettre en valeur chaque pratique (chaque process, chaque travail d’instauration du pictural etc.)…

On m’a demandé  en sortant de l'exposition si j’avais aimé les œuvres ? J’ai du répondre « seulement 3 » (celles de Sabatte) sur environ 25. Jugeant les autres œuvres non pas détestables mais inutilement techniques, inutilement abstraites et matiéristes, la plupart du temps aussi inutilement théoriques et démonstratives ou d’ambition polémiste en se réclamant (inutilement) de la monochromie, banales et sans intérêt puisque leurs auteurs croient inventer une esthétique plastiquement et philosophiquement largement creusée depuis 60 ans au moins, je ne peux que douter de l’intelligence du titre de l’exposition. Dans ce tunnel obscur, avec ses inventions de réalités flottantes, Sabatte paraît seul à tenter de répondre à la question d’un oxymore de la peinture et des images. Ses œuvres et leur style répondent au paradoxe d’une peinture à la fois abstraite  et suggestive,  elles sont problématiques en étant à la fois la fois sans référence intenable en « absorbant tout le réel, ses vibrations, ses variations »* ses lumières authentiques et sensibles, elles assument l’iconologie. Il lui semble que traverser dans tous les sens à la fois le réel et l’imaginaire de la peinture comme l’interprétation arbitraire du monde par le peintre est une expérience conceptuelle formellement inévitable.


* Point contemporain, 2019