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« Samdi, c’est galrie d’ar »…

25/05/2020

Déconfinement… suite …

« Jigokaru » (enfer et paradis) par Naoko Najima, Pierre Yves Caër Galerie

       Naoko Najima dessine énormément. Qu’il soit sur papier ou sur toile, son travail multiplie les expériences sur le médium. Sa pratique, minutieuse et foisonnante, prend à l’occasion le risque de l’absence d’échelle et du hors format, de l’absence de composition, de l’absence de calcul, pour favoriser une improvisation esthétique quand le modèle continue d’être nommable. Sur les murs de la galerie, les œuvres accumulent les images comme des nuages, ou les disperse comme des chroniques tissées sans hiérarchie les unes après les autres. Toutes en apparences, leurs compositions s’accompagnent d’une multitude de formes expressives. L’ensemble foisonnant s’épand en touches graphiques ou en gestes lyriques dans toutes les directions comme une vision cosmique. Sur papier, l’art de Naoko Najima fait songer à des expériences d’écritures d’Henri Michaux. Sur toiles libres, ses peintures font retrouvent des variations automatiques et surréalisantes d’Arshile Gorky ou d’André Masson, au mystère des cavernes oniriques de Bernard Réquichot, voire des emportements informels de Jackson Pollock ou de Toshimitsu Imaï… C’est à la fois intime et dramatique, toujours sensible, mais aussi, quand parfois le descriptif prend le dessus, sans réelle surprise picturale.

        On m’informe que la galerie se consacre pour l’essentiel à l’art japonais contemporain. Seconde découverte : Naoko Najima a été la compagne de Tetsumi Kudo, plasticien et artiste figuratif esthétiquement hors système et dont l’œuvre érotique aussi protéiforme qu’esthétiquement provocatrice et poétique est à mon sens (mais par convention, il faut aussi le reconnaître) amplement sous-estimée. Il se trouve que par sa diversité de thèmes associés, la composition d’au moins un des tableaux exposés suggère une comparaison filiale avec Kudo.

 

Sepànd Danesh galerie Blackslash

        « Moi, mon aigle et mon serpent » est l’intitulé de cette expo inspirée paraît-il par Nietzche et Zarathoustra…

        Excepté des sculptures aux apparences de maquette, l’artiste utilise pour l’essentiel la version cubique d’un pixel dans des compositions picturales qui représentent des créatures humaines ou animales sensées évoluer sur des étagères. Eloignées des interventions ironiques du plasticien de rue Franck Slama, dit « Invader", les peintures sur toiles de Sepànd Danesh conventionnellement centrées, brillent par leur réalisation en aplat des sujets mis en images  dont les contours sont rigoureusement délimités au scotch. Un semblant de trompe l’œil perturbe parfois le plan supposé du support, permettant au motif de se détacher allusivement dans une ambiance théâtrale. Ces œuvres vivement colorées aux modèles de figurations et au vocabulaire visuel limité sont elles majoritairement descriptives ou transgressives ? Avec le souci de dérouler une intention conceptuelle, le texte de présentation évoque « une exposition échafaudée comme le génome séquentiel des individus et de leurs affectations »… Malgré ce qu’il faut bien nommer un biais argumentaire, l’ensemble demeure dans un style commercial proche du poster rigolo et décoratif imprimé en série. Rien à dire de plus sur ce travail dont la forme, comme le caractère illustratif, peine à ne pas être seulement anecdotique.

 

Norbert Bisky, galerie Templon rue du grenier Saint-Lazare.

        D’origine allemande, l’artiste s’inspire de la scène gay berlinoise. La figuration colorée, tonitruante, énergique et agressive stylise à l’avance et comme par procuration les œuvres : portraits d’éphèbes en mouvement, corps jeunes et musclés s’exhibant dans des poses évidentes ou s’éclatant dans des collages désordonnés sur des surfaces littéralement faites de miroir… Deux sortes d’installations réunissant des matériels érotiques signent que tout n’est que chairs « réelles », désirables ou consommées. C’est à la fois descriptif, allusif, illustratif, il n’y aucun écart poétique : pas de problème. Reste l’épineuse question des œuvres, leur intérêt factuellement artistique vs créatif, imaginaire et méthodologique voire culturel. Vite conçues à partir de photographies faciles à prendre comme modèles, complétées par des assemblages sans profondeur expressive, affublées de teintes flashies et spectaculaires, et enfin ponctuées de « pattes de mouche » esthétisantes, les œuvres ou leur composition s’effacent dans un soupçon d’inintelligence esthétique constamment problématique. Je ne pensais pas qu’une manière de peindre « pauvre » pouvait se réduire à des productions aussi fausses et superficielles.