ZeMonBlog

Des expositions dans Beaubourg et à côté…

20/10/2020

Dans Beaubourg et dans quelques rues à côté… 

Mark Tobey, galerie Jeanne Bucher Jaeger

       L’étendue de son talent pour faire sens du foisonnement et de la dispersion esthétique en peinture est impression-nante. Chaque œuvre pépite d’intimité, en épandant la plupart du temps sans bruit sur de simples feuilles de papier des beautés totalement spatiales et intemporelles. L’occasion est belle d’apprécier la profondeur tranquille du souffle artistique de Tobey.

 

Martin Barré à Beaubourg

         Que de rigueur et d’éthique créatives ! La radicalité de son parcours et de son travail artistique me touche d’autant plus qu’à son époque il est esthétiquement marginal, à l’opposé du culte duchampien et à l’écart des formalismes de la « peinture-peinture » plus ou moins matissienne et américaine (Newman, Pollock, Kline, De Kooning, Motherwell etc.). L’art de Martin Barré procède d’une abstraction conceptuelle qui ne se dissimule pas d’en être et qu’il revendique en la réalisant plastiquement à sa manière inimitable. Son humour technique n’est pas en reste. Il y a de la jubilation et de l’ironie dans les façons qu’a Martin Barré de considérer l’objet du tableau, d’ironiser sur son importance en le marquant de façon aléatoire ou parfois presque désinvolte quand il peint avec une bombe aérosol. Détachement et légèreté apparente encore quand il illustre en acte sa conception esthétique et efficiente de la peinture à travers de subtils conseils suggérés au spectateur de changer régulièrement d’horizon par rapport à l’histoire de son art ou par rapport à l’œuvre qu’il regarde.

           Chose peu fréquente, les commentaires à l’appui des différentes sections de cette rétrospective sont d’une sobriété et d’une intelligence analytiques et pédagogiques exemplaires. L’hommage rendu au peintre est ainsi parfaitement équilibré.

 

Catherine Meurisse, au même endroit, à la bibliothèque

        Le talent et la sensibilité et l’humour et la culture et la vitalité et la verve et la pudeur et l’ironie et la liberté et la légèreté et la perspicacité créative d’une dessinatrice formidablement humaine. Comme Cabu, comme Luz, comme Riss, comme Charb, comme Honoré, comme Wolinsky, comme Tignous, comme Gébé, comme Willem, comme Reiser comme Gottlib etc. Je suis Meurisse.

 

Gérard Traquandi galerie Puttman

           Les œuvres exposées sont d’une diversité questionnante avant d’être simplement belles. La persistance du peintre à vouloir entremêler les sujets de certains de ses dessins et de ses gravures en surajoutant à leur motif un brouillage échevelé ou des lassis de lignes jusqu’à sembler occulter leur thème creuse le sens de son travail sur les intelligences de la « forme claire ». Dans cette perspective (ou sous cette aura) on conçoit mieux la transparence assourdie des vastes tableaux monochromes (exposés en 2018 à la galerie Laurent Godin) avec un sous-sol graphique pouvant évoquer ou faire suite à un paysage mental. Partant, que les sujets soient à l’origine des thèmes religieux ou qu’ils suggèrent un espace végétal, qu’ils soient inspirés par un tableau ou par un brin de nature, rien ne résiste aux gestes de l’artiste attentif aux modes d’inscriptions et à l’incarnation de ses moyens dans son travail plastique.

        Ces recherches et ces croquis transformés en éditions limitées permettent d’apprécier les deux directions corres-pondant aux mouvements simultanés de l’œuvre à faire et de l’œuvre en train. L’objet du regard de Traquandi devient paradoxalement aussi intuitif et provisoire que lisible. Stéphanie

 

Saadé galerie Anne Barrault

        « Choses sues et oubliées ». Le thème du temps traverse les œuvres simultanément sculpturales, conceptuelles et théâtrales. Difficile de ne pas songer aux pratiques conceptuelles des années 70/80, avec leurs mises en espace d’objets banals à la fois détournés et retournés. L’intention qu’a Stéphanie Saadé de contrer l’artificialité ou la chosification des œuvres en disruptant leur paradigme culturel et expressif s’illustre parfaitement à travers leur installation plastique dans la galerie pour le coup elle aussi retournée et scénarisée.