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Cinq arts diversement ouverts à la conception artistique…

17/02/2021

Conceptuelles et/ou expressives, des pratiques plastiques peinent à trouver leurs ressorts créatifs… 

Joan Ayrton, galerie Florence Loewy

           Des œuvres clairement conceptuelles, où le programme conçu comme un système plastique instaurateur prime sur la nature et l’esthétique des œuvres vs sur des propositions prioritairement formelles au « pouvoir esthétique ». La présentation joue dans son ensemble le jeu de la distance intellectuelle : les photographies et les œuvres peintes apparaissent comme des formules ou des constats. On bute sur l’aspect lapidaire des offres plastiques dont les formes comme les aspects ne dépassent pas les techniques qui les portent. L’appropriation ou l’interprétation des œuvres achoppe sur des engagements esthétiques plus dépendants que disruptifs vis à vis des techniques mobilisées. Plus questionnant, l’ensemble revient sans évolution et avec l’illusion de nouveauté de styles sur des recherches plastiques déjà labourées il y a un demi siècle : soit un art polymorphe, multipliant les techniques pour une esthétique chargée d’un silence scénarisé de manière toujours personnelle et, de fait, étrangement poétique.

 

Abraham Cruzvillegas galerie Chantal Crousel

            Mêmes impressions factuelles, en moins intéressant, en plus banal, en plus surfait et en plus inutile.

 

Shannon Cartier Lucy, galerie Hussenot

           Des peintures figuratives avec des compositions narratives à la fois inspirées par l’idée d’un détail intrigant propre aux photos d’amateurs et par un impressionnisme d’instant photographique. On se demande si ces détails sont des ratés et des lapsus visuels ou encore si l’artiste a cherché à troubler le spectateur en piégeant l’inavouable ou l’inconscient de son regard. On se prend de curiosité et d’intérêt pour chaque image à la fois inattendue et en tension. Fidèles à leurs origines photographiques plus littérales que plastiques, les toiles, d’un format « ni trop grand ni trop petit », sont peintes bêtement. Est-ce encore un effet voulu et donc une habileté ironique de l’artiste ou un manque de culture picturale ? L’imprécision vs l’indécision suggestive de certains effets flous ou de silhouettes vaguement reproduites et divers « autres détails » plastiques sans relief plaident pour la seconde hypothèse… Reste un sentiment d’être dérangé par des vues en apparence anodines…

 

Julie Susset galerie Laure Roynette

           Julie Susset peint des images de forêts vierges. La végétation à la fois merveilleuse et luxuriante envahit tout l’espace du format disponible, transformant chaque œuvre en masse. Le sujet est présenté comme une masse dense et opaque, étouffante. L’impression générale est celle d’une immense canopée couvrant un monde imaginaire de rêves et de fantasmes.

           Pas de ciel, pas d’horizon, pas le moindre trou d’air, le motif à la fois dématérialisé et illustré d’arborescences jusqu’à faire signe de toute silhouette recouvre entièrement chaque surface. L’artiste aime manifestement peindre spontanément, chaque figure n’est indiquée que par un bref contour ou une étendue sommaire, voire un geste de croquis approximatif quand il s’agit d’engager une sorte de résumé visuel. Partant, la saturation sans limite ni repères des peintures instille une inquiétante étrangeté d’« action painting » figurative. A la fois confronté à leur apparent remplissage et à l’impression d’urgence des effets de croquis, on en vient à n’éprouver qu’un sentiment d’oppression et de claustrophobie en creux des tableaux.

        Chaque peinture est réalisée comme une pochade. Malgré l’apparence rapide de l’exécution, le temps y semble pourtant arrêté, comme inexpressif. Le geste du croquis de l’artiste ne renvoie qu’à des mouvements du pinceau uniquement formels. Même l’illustration plastique d’une immobilité potentielle ou virtuelle capable d’exprimer plastiquement la forêt comme une pure masse ne s’impose pas. L’artiste n’aurait-elle cherché à représenter que des effets de canopées vues depuis le sol…? Reste la dimension purement conceptuelle du tableau devenant presque abstrait quand le motif épouse « dévore » son format et fait oublier le sujet et l’ensemble de ses détails. Car c’est un des paradoxes les plus intéressants de cette peinture dont seule la masse symboliquement représentée se montre plus matiériste que décrite. C’est se heurter à une aporie de son référent que susciter des questions sur le modèle retenu par l’artiste.

          Le thème de la forêt demeure une évocation symbolique de la femme et de la mère primitive. Julie Susset a t-elle songé y faire écho ? Que penser de son interprétation quand son motif devient pour l’essentiel invasif, qu’en étant non pas matriciel et ouvert ou pluriel, il paraît fermé, uniforme et colonisateur. Que retenir quand sa réalisation esthétique bute sur des visions d’étouffement?…

         A travers ses images métaphysiques de forêts luxuriantes et colorées, en apparence bouillonnantes de formes et d’aspects, Julie Susset peint des environnements moins oniriques et plus inquiétants que visionnaires et accueillants.

 

ChaX Art, Galerie Fabrique Contemporaine, rue Vergniaud dans le 13e.

         ChaX peint des œuvres abstraites. Les tableaux sont composés en partant de couches de peinture superposées et épaisses de différentes couleurs, qui, une fois séchées, sont grattées pour produire et révéler des effets matiéristes. On songe à de vieux murs avec des variations d’aspects et de teintes, on se hasarde dans des rapprochements historiques… On se perd en conjecture quant à l’inspiration de l’artiste. Sans discernement, ChaX présente toutes la phases de son travail : son ambition, sa technique, sa pratique, chaque phase portant le même intitulé : « Dégradations ». On subodore des manques d’ajustements dans la démarche de création plastique, on s’égare entre effets pratiques et perspectives artistiques, voire conception visuelle. On cherche ce qui est dégradé, ce qui était gradé et à quel titre, l’objet de ce qui est récupéré ou retenu et conservé. In fine très formaliste, l’ensemble loupe au passage le rebond des intitulés qui bornent les œuvres, si bien qu’au lieu d’être de conception abstraite, elles sont en fait seulement descriptives et purement littérales. Tout reflète un travail d’amateur naïf. C’est joli, pas déplaisant et ça fait moderne…à des décennies de retard près.