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Quelques expositions de ci de là…

09/06/2021

Chez Templon, galerie Fabrique Contemporaine, galerie de l’Openbach et galerie Héloïse… 

Garouste chez Templon, rue du Grenier Saint-Lazare    

        (Une fois de plus) Garouste joue sur les correspondances entre peinture pure et thématique. Cette fois c’est : dialogue avec Marc-Alain Ouaknin vs les textes bibliques et dialogue avec la Littérature vs avec Kafka. Plus que jamais, le peintre montre dans un désordre savant à la fois son style visuel, ses trucs d’artiste voire des tics de compositions narratives, l’étendue de sa science technique picturale (sa démesure des anamorphoses est particulièrement réjouissante) et sa connaissance de la peinture classique. Par ailleurs, on ne peut qu’être subjugué par son talent inouï de peintre de portrait, sa drôlerie des déformations et des bizarreries morpho-anatomiques facétieuses qu’il impose à ses sujets (il est fréquent que des mains soient pourvues de 6 doigts, que des corps devenus élastiques se contorsionnent en dansant frénétiquement ou langoureusement. Il est chez lui tout aussi « normal » que la toile perde la face et se prête au double jeu d’un support fixe et d’un espace hypothétique où partout tout peut arriver ironiquement (ou sembler disparaître comme par enchantement). Il est pour lui encore naturel que le geste pictural serve des silhouettes fantasmées entre animal, humain ou végétal ou éventuellement nuage. Le regard de Garouste a ceci de passionnant qu’il met constamment en correspondance les deux mondes visuels d’un spectateur et de l’inventeur d’une peinture.

 

Les tableaux de Pascal Graziani, galerie Fabrique Contemporaine    

        Pascal Graziani réalise des œuvres abstraites ou d’une « figuration stylisée jusqu’à être presque non figurative ». Les œuvres, vivement polychromes et composées par compartimentages irréguliers, se présentent comme des successions de secteurs de couleurs vives agencées sans programme préétabli. Une fois la composition esquissée au fusain, les teintes sont posées directement, crues, mates, sans autre recherche d’effet que leur joliesse dans le tableau. Le peintre ne s’arrête pas à des considérations tactiques ou théoriques d’étendue, de matière, de vivacité ou de transparence… Des effets de dessin opérés par grattage ou des mouvements de gestes spontanés ponctuent chaque composition d’un ajout d’expressivité locale.    

        Ce travail qui évoque à la fois des mosaïques intuitives, un patchwork décoratif ou, de loin, un peu de la patte de Nicolas de Staël, traduit au fond le plaisir simple de réaliser des tableaux colorés divertissants. L’exposition présente aussi des aquarelles abstraites fondées elles aussi sur l’envie du peintre de faire partager la beauté d’un temps de création qui se veut authentique.     

       Pascal Graziani se défiant des illustrations, des intitulés posés « après coup » ou, comme Magritte, des rapports texte-image mystérieux, décide qu’aucune des œuvres n’a besoin d’un titre. Là encore, seule l’adhésion sensible du visiteur sert d’échelle de valeur.    

      Contre toute attente, cette peinture seulement fondée sur l’achèvement de sa production visuelle comme Tableau n’affiche d’autre intérêt que le plaisir exclusif de son auteur. 

 

Jérôme Gelée, Openbach Galerie    

       « Sculptures » annonce le carton d’invitation. « O.V.N.I » titrait une précédente exposition person-nelle à la galerie municipale Julio Gonzalez d’Arcueil, que cette nouvelle exposition reprend dans un format plus modeste.    

        Jérôme Gelée élabore, fabrique et monte des objets en volumes inspirés par les insectes volants, les planeurs, les cerfs-volants, des voiles arachnéens, des arbres agités par le vent, le mouvement lent et frémissant des mobiles de Calder, les machines célibataires de Panamarenko…    

        Suspendues dans l’espace, les structures, légères et rendues quasi évanescentes par leur armature de bois, de tissu et de papier fin tremblent avec le passage des visiteurs ou le souffle d’un ventilateur. On imagine qu’il s’agit peut-être de maquettes : l’artiste songerait-il à produire son travail à l’air libre pour lui conférer le statut d’œuvre in situ dans le paysage… Sur un socle séparé, d’autres petites sculptures ani-mées, d’allure enfantine et bricolées avec des matériaux de rebuts suggère une lecture critique et écologique de notre environnement.    

         Dans la galerie, la calme imperceptibilité de corps vibrionnants instille avec ironie une vision critique du monde actuel. 

 

Yannick Bernede galerie Héloïse    

     Le mythe d’Orphée inspire des représentations de forêts très colorées. Sur les murs devenus mystérieux avec les perspectives de leurs formats divers et une scénarisation épurée, chaque peinture monopolise l’attention sur la pénombre massive des feuillages et sur une lumière théâtrale qui outrepasse son réalisme. L’atmosphère quasi onirique imprègne et déborde la surface de chaque tableau ; on s’attend à remarquer des créatures hybrides, à entendre des oiseaux dialoguer, on s’imagine poète pénétrant des contrées fabuleuses. Parfois un mur ou une barrière de bois marque un espace fictif en séparant le tableau en deux plans successifs et complémentaires.     

       Les œuvres se succèdent en une partition musicale sur les murs : comme en suivant une dramaturgie d’opéra, chacune paraît être une occasion de créer à la fois une histoire et une atmosphère. L’artiste les a d’ailleurs disposées tantôt par groupes de deux ou trois (possibles chanteurs ou acteurs), tantôt comme un ciel étoilé ou encore le chapitre d’une légende quand un format prend en partie un mur qui nous plonge dans les feuillages d’une forêt de songe. Les tableaux paraissent en ce sens davantage répéter le même fond qu’en varier l’apparence, de sorte que chacun mue comme un point de vue et une perspective de vision dans un format et une surface particuliers : proches quand ils sont grands, éloignés et dans un espace hors d’atteinte voire réduits aux dimensions d’un carnet d’études de poche s’il peut s’agir d’une étincelle.     

     La technique picturale relativement conventionnelle de l’artiste et le style général de ses œuvres défient l’imagination plastique implicitement portée et électrisée par l’histoire du thème d’Orphée. Les œuvres troublent l’attention sur ce point et incitent à repenser leur facture, à réfléchir et réagir aux attentes supposées dans la recherche de l’efficacité et de la singularité de chaque toile. Comme s’il avait anticipé ce trouble, avec la précision de son installation, les résonnances et la réception contextuelle de ses visions réunies permettent de prioriser le mouvement poïétique de sa pratique d’artiste dans une dimension épique et poétique de l’histoire d’Orphée.