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Peindre ou dessiner et voyager artistiquement en trois services bien contrastés…

01/03/2023

Des discernements diversement pratiques et théoriques sur l’art de créer en peinture

« Gribouillages /Scarabocchio : de Léonard de Vinci à Cy Twombly » aux Beaux Arts, Quai Malaquais.      

       L’assemblage des mots français et Italiens dit l’essentiel des entendements et intelligences à la fois vulgaires et théoriques de cette magnifique exposition conçue par l’Académie de France à Rome et actuellement présentée aux Beaux Arts, quai Malaquais. Le ton d’excellence poïétique de son commissariat est confirmé par un cartel qui suggère sur le mur d’entrée d’une des salles : « Sur les marges, lieu de licence mais aussi orée du chaos, la suspension de le concentration donne lieu à un carnaval graphique »…

     Moment récréatif littéralement zonard, le gribouillage rassemble des occupations dilettantes, anticonformistes et temporaires ou présumant un intérêt pour quiconque le pratique régulièrement ou de façon intempestive. Les artistes qui s’y adonnent en feignant l’abandon n’y sont évidemment pas étrangers. L’exposition explore à ce titre diverses formes d’une activité parallèle et aléatoire dont le caractère (apparemment) détaché montre des manifestations qui, bien qu’épisodiques ou paradoxalement répétées, font de chaque manifestation une étape dans l’élaboration d’expressions visuelles inédites et ingénieuses ou des styles de compositions artistiques aussi personnels que déroutants ou agiles. En parcourant les salles et leurs thématiques particulières, on s’attentionne pour l’originalité des manières de concevoir les sciences de l’art et l’instauration immédiate ou programmable d’une vision en image par Léonard de Vinci ou Cy Twombly. On se captive pour les apparences trompeuses de relâchements de Carracci ou Rembrandt, un dilettantisme d’Ingres ou des dispersions de Basquiat. On sort confirmé par des sous-entendus de choix esthétiques de Jean Dubuffet pour un art du dessin « sans culture », comme on retombe sur la finesse de Léonard de Vinci évoquant la disruption créatrice des « compositions incultes ». Si bien sûr aucune exposition thématique ne peut tout rassembler et qu’il faut caractériser des orientations et des choix, on peut tout de même s’étonner que, s’agissant des perspectives du gribouillage comme délassement ou comme désaliénation si ce n’est comme culture revendiquée, ni horizons de Victor Hugo ou d’Alexander Cozens et pas davantage ceux d’André Masson ne soient cités… Sériés par la diversité d’un vocabulaire nuancé, les aperçus du gribouillage filent cependant les nuances décomplexées de manifestations  tactiques claires de sorte qu’ils soient graffitis, « grabouillages », notes irréfléchies ou sous tendues par des palimpsestes mémoriels, on guette l’affut du gribouillage à l’aune d’une envie et d’un moment d’égarement créatif de chaque artiste représenté.

      Un catalogue fortement documenté accompagne cette belle et indispensable exposition qui renoue et prolonge l’attention due à l’imaginaire paradoxalement spécifique et technique des pratiques d’expressions artistiques.**  * L’idée suggérée en parallèle que ce dernier a investi la toile d’un statut de « surface urbaine » et le où le graffiti le nourrir des marges du gribouillage est d’une justesse esthétique imparable.

** Les expositions sous l’égide de la RMN site du Louvre : Repentirs (1991), Le bruit des nuages (1992, Largesses (1994) Traité du dessin (1995), Réserves, les suspens du dessins (1995)… furent, chacune à sa façon, une formidable fenêtre sur les mouvements d’instaurations poïétiques inévitablement techniques et aventuriers de la fabrique du dessin en art.

 

Djamel Tatah chez galerie Poggi

      L’exposition vient en contrepoint d’une rétrospective du parcours de l’artiste actuellement au Musée Fabre de Montpellier. C’est aussi la troisième de Djamel Tatah que la galerie organise…

     L’esthétique et les codes techniques mis en place par Djamel Tatah se maintiennent : des silhouettes de personnages immobilisés dans une attitude particulière sont peints seuls, en duo ou en groupe sur un fond uni de tableaux en tableaux. Excepté quelques effets de composition essentiellement dus à l’emplacement des personnages sur la surface de la toile et quelques façons d’anonymiser formellement les visages, le style visuel à la fois descriptif et allusivement narratif comme la manière de peindre, répètent sans surprise les mêmes formes de présence. D’autres effets stéréotypés, ceux là de dessins linéaires, ajoutés semble t-il pour préciser une situation ou apporter quelque apparence de relief aux aplats ou conçus comme compléments descriptifs aux silhouettes font étrangement songer à des feux follets. Réduits à des compositions sommaires et schématiques, à des choix de couleurs assourdies, passées sans nuance la plupart du temps, les tableaux dégagent des sensations de distance et d’abstraction où l’artiste semble vouloir focaliser le regard sur la peinture comme process.

      Qu’elle soit narrative ou symbolique, l’interprétation suggérée des œuvres dans un texte de présentation de la galerie bute en même temps sur un travail plastique plus simplifié et formellement chargé d’un contenu visuel suffisamment fondé au delà de l’illustration pour provoquer l’étrangeté qu’il revendique. On reste étonné sinon perplexe devant le peu d’agilité technique d’une production répétant les même apparences esthétiques avec, comme avant goût, l’empreinte d’un choix de style personnel.

       L’extrême sobriété des images et la volonté manifeste du peintre de raconter à travers chaque œuvre une brève histoire frappe par les aspects glacés d’une plasticité sans orientation conceptuelle induite. Les œuvres paraissent sans incertitude expressive, peu tentées par l’expérience technique et maigre d’imaginaire factuel. On reçoit ça comme un style d’artiste logotypé tel un produit de marque ou de façade. Des questions se posent quant à l’intérêt de l’anonymat et du silence formel du peintre sur ses images : faut-il parler de force esthétique ou plus prosaïquement évoquer des réminiscences artistiques de créateurs connus pour leur radicalité ? On s’interroge par ailleurs sur un travail de variation qui, en ne différenciant les œuvres qu’en surface, oublie de subjectiver en profondeur leurs divergences. Quelles que soient les estimations narratives ou plastiques des œuvres décrites par le texte diffusé par la galerie, l’ennui et une impression de travail approximatif l’emportent sur l’envie de justifier un cheminement pictural.

 

Astrid Delacourcelle à la galerie Fabrique contemporaine

      La lumière polymorphe peuple l’essentiel des peintures de l’artiste à la recherche non pas d’atmosphères, comme par exemple Monet, mais de certaines images spectaculaires. Repérer son miroir dans l’eau (de la Seine proche de son domicile en banlieue), comprendre sa composition dans un recoin de l’atelier ou silhouetter son champ à partir d’une ombre, l’éclat et la géographie qu’elle dessine dans un paysage, tout cela et bien d’autres manifestations discrètes ou spectaculaires mobilisent dans son travail une quête de leur meilleure image réaliste et poétique possible. Partant, au delà de leur apparence photographique, l’efficacité des sites de lumières peints par Astrid Delacourcelle convainc d’autant plus que l’artiste les présente esthétiquement en s’appuyant sur une technique picturale aussi efficace que modeste et poétiquement inattendue.