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Noé Soulier, la danse dans son statut

18/10/2015

Noé Soulier danse au présent, au risque du geste et de ce qu'en dit son image…

Le récent spectacle offert par Noé Soulier au théâtre de la Bastille a quelque chose de réjouissant. Depuis en effet longtemps, l'occasion de voir un (jeune) chorégraphe interroger le sens du travail de la danse semblait manquer, la danse paraissant se limiter à produire de l'estampillé "moderne" à partir des seuls moyens techniques initiés par l'époque ou selon les apparences que le marché de l'art entend borner. Fortement avare d'artifices et réfutant toute confusion avec la pure ou seule technique ou les objets d'une quelconque système scénographique, le chorégraphe a donc décidé de se pencher sur l'origine de son art, à savoir le geste et ses ampleurs.

Sur la scène dépouillée, et à la juste mesure de son cadre architectural, donc, six danseurs évoluent ensemble ou séparément à partir de mouvements ordinaires sublimés par l'esthétique de leur passage dans le monde de la danse. La pièce, conçue comme un "Event" et une suite d'"Event" séduit et amuse par les récupérations de mouvements issus des arts martiaux, par l'humanité des reminiscences détournées des gestes du travail ouvrier ou domestique, par l'observation aiguë et réactive du chorégraphe pour ce qui bouge, change vite ou par saccade en créant de la surprise, par les argumentations sculpturales rendent la lenteur possible d'un geste vers sa durée impalpable au prétexte d'une brève pause. N'étaient ce ses influences ou sa culture manifestement marquée par Trisha Brown, Merce Cuningham ou William Forsythe, son travail sur les séquences et les rythmes pourrait passer pour radicalement moderne dans une époque parfois plus simiesque que critique du marché de l'art. Demeure un souffle salutaire aussi ambitieux que celui de ses inspirateurs. On ne lui fera pas grief de vivre passionnément sa réapropriation des leçons de l'histoire comme un tout aussi égal et nécessaire dépassement critique du présent. 

Alain Bouaziz