ZeMonBlog
11/12/2017
L’impression première est celle de photographies de personnages silhouettés sur des rochers. Epopées, légendes, poèmes, contes… toutes les images auparavant documentaires deviennent mémoires de craie, d’eau et d’air.
Beaudoin Colignon à la Galerie Le salon H. L’impression première est celle de photographies de graffitis montrant des personnages grossièrement silhouettés à la craie sur des rochers. Tous sont dans des attitudes où ils semblent virevolter. Mais vite, la référence à l’aura photographique tombe, ou plutôt cesse d’apparaître comme la plus pertinente, car d’autres indices attestent de performances ou de happenings artistiques. Les silhouettes dansent, parfois donnent l’impression de chuter. Sous d’autres aspects plus théâtraux, elles rappellent le repos de corps assoupis. Il n’est pas non plus improbable ou impossible que les surfaces et les reliefs irréguliers du paysage aidant, ces personnages fassent aussi des pirouettes… Seraient-ils alors des lutins davantage que des humains ? Nous serions alors dans un cirque, devant un écran ou au chapitre « n » et à la page « x » d’un livre d’aventures.
Aussi sûrement que pour les graffitis, un nouveau lien « imaginaire-mais-pas-que » permet de suivre le fil d’une autre pelote artistique : l’artiste s’active subjectivement dans le champ d’une pratique personnalisée de Land Art. Sauf que dans ce genre de la sculpture agissant dans ou par l’environnement et avec le paysage, le seul personnage visible est généralement celui de l’artiste filmé à sa demande durant la réalisation de son œuvre. Or, il n’est pas ici question de l’artiste, les silhouettes sont rendues anonymes par leur forme même. Faisons tout de même comme si l’artiste opérant d’abord poétiquement, chacun des personnages pouvait allusivement se comporter comme son message subjectif.
Mais voici que des dessins réalisés à la plume, paysages, justement, ou personnages dans diverses positions – re-justement – comme des acrobates en apesanteur ou des plongeurs ballotés par des courants, inspirent par rémanence d’autres retours sur les pratiques plastiques de Beaudoin Colignon. Ce sont des études rigoureusement documentaires de sites côtiers grecs autant que des perspectives d’atelier pour une œuvre en cours. Chaque recherche, minutieuse, qui pour autant ne se cache par d’être poïétique, marque les évolutions de son plan créatif et les transformations plastiques expérimentales, de sorte que ses pas à pas d’artiste déclinent métaphoriquement l’architecture de son château intérieur par ses paliers et ses fenêtres. Parois rocheuses sur lesquelles l’artiste a marqué ses silhouettes à la craie blanche, puis photographies où elles ont symboliquement été éternisées avant leur effacement par les vagues, chaque fois, l’artiste ne masque pas des entremêlements intimes et oniriques avec les frises décorant les vases grecs et plus abruptement les témoignages de Lascaux ou de la grotte Chauvet. De sorte que s’il nous invite à l’accompagner le long des côtes égéennes, il nous guide et on s’embarque aussi sur des poteries crétoises, il nous « croisièrise » en suivant des côtes de légendes et de contes fabuleux, il nous « voyage » et on déplie avec lui quelque volet de nos histoires sues ou inconsciemment partagées.
Retour sur les photographies et leurs graffitis dont les codes se mettent alors à flotter comme des silhouettes badigeonnées par des artistes de Street Art. Epopées, légendes, poèmes, contes, après les passages de Beaudoin Colignon, toutes les images auparavant documentaires des lieux deviennent mémoires de craie, d’eau et d’air.
* Galerie Le salon H, 6, rue de Savoie, 75006