ZeMonBlog
01/06/2018
Des années qu’on n’avait eu l’occasion de voir des œuvres de Robert Motherwell. Et tout d’un coup, vingt toiles de la série emblématique des « Opens »…
Des années qu’on n’avait eu l’occasion de voir des œuvres de Robert Motherwell, excepté dans des livres sous l’aspect de reproductions incertaines entre approximation et suggestion, excepté ça ou là un collage, plus à vendre qu’à montrer, surtout à vendre quand c’est à la Fiac, comme un chèque dont on aurait ravalé repeint fardé la tronche pour tenter mais rater une beauté artistique par nature, celle du peintre évidemment.
Et tout d’un coup, vingt toiles de la série emblématique des « Opens », vingt œuvres de dimensions diverses : murales pour certaines, de la taille d’une étude intime pour d’autres. Vingt épopées autour du thème de la fenêtre, vingt élégies renouvelées au peuple des artistes. Vingt poésies sur l’ouverture, son cadre, sa présence impliquante, sa vue allusive, sa silhouette juste contournée par un trait de pinceau, par une évocation asymétrique de son signe rectangulaire, par l’enjeu d’un mur qu’elle troue potentiellement et opportunément, par l’aplat géométrique d’un dessein et d’un fond suspendus l’un à l’autre. Vingt mondes silencieux ne demandant que du regard, de loin comme de près, du regard pausé et contemplatif, un rien supposé, un rien sidéré, en vrai totalement mobilisé par le souffle de l’artiste, entrecoupé de pensées, et calme à la fois.
Matisse : d’un clin d’œil, un moine cistercien ou zen : d’un sourire invisible, Masson ou Pollock, Picasso et un calligraphe traditionnel japonais : à travers des gestes et des couleurs d’émotion limpide… Motherwell s’active à ne rien faire qui contrarie son sujet, à ne jamais s’opposer à ce thème que par accident, il a découvert et retenu ce moment où, dans son atelier, en regardant des toiles de diverses surfaces retournées les unes contre les autres, la géométrie des châssis soustrayant aux toiles en partie masquées des tableaux inespérés, son attention pour le thème de l’ouverture et de la fenêtre a retrouvé par sérendipité le chemin d’un questionnement incessant sur le tableau.
Les couleurs et les formes se renvoient, se complètent ou s’opposent avec l’exercice du format. Les œuvres sont des murs qu’on peut voir éloignés autant que circonscrits, faisant face et occupant tout l’espace environnant ou mobilisant un microcosme. Le dessin des fenêtres se borne à leur esquisse, parfois les suggère d’un aplat teinté dont on ne sait que dire, comme une ombre ou un reflet sont des distractions furtives, comme une absence ou un feu follet anticipent la découpe d’une absence, chaque fenêtre retrouvée file une architecture pariétale ou une empreinte première, pour le spectateur : pas une œuvre n’est moins qu’une découverte, chaque tableau est plus qu’un monde inaperçu.
Enfin je vois en vrai des tableaux de cette série qui pour moi devenait mythique, où dès la première reproduction et quelle que fût sa qualité d’image imprimée, dans les mots par défaut du peintre lui-même, je voyais le pictural entretenu par sa recherche opiniâtre, de conséquence en conséquence insatisfaisant, totalement lié à son principe de libre « inabordabilité » par l’anecdote, le sujet illustré, la VLP*… Enfin, libres d’impudences, audacieuses dans leur témérité, je vois quelques-unes de ces hardiesses sensibles.
* VLP : « vive la peinture »…