ZeMonBlog
06/04/2019
La sélection très généreuse permet de découvrir des pépites surprenantes de poésie…
La Biennale de Gentilly permet à 40 artistes d’exposer leurs créations dans un collège désaffecté. La demande implicite de tenir compte des lieux rapporte les œuvres à des pratiques de productions in situ : installations, scénarisation diverses de travaux de toutes natures et toutes pratiques.
L’attrait pour le spectaculaire chez certains, le fait de se contenter d’accrocher leurs œuvres chez d’autres, dans une résonnance seulement factuelle avec les lieux a parfois quelque chose de gênant, surtout lorsque que l‘état d’abandon du site paraît esthétiquement plus intéressant.
Je retiens particulièrement deux œuvres d’une plasticité et d’une beauté poétique émouvantes :
la première, sobrement présentée dans un couloir desservant des salles de classe consiste en une série de petites peintures majoritairement en noir en blanc sur le thème du métro. Stéphanie Viot a subtilement puisé dans la pénombre des tunnels et des trajets, la fugacité de formes passagères et floues. L’artiste indiquant travailler à partir « de moments du quotidien, des impressions de lieux » produit dans des ambiances hallucinantes et mémorielles des puzzles visuels inattendus. Alignée sur un mur aux allures de chantier abandonné, l’ensemble est simplement présenté comme une série de cases successives. Son parcours fait l’effet d’un film de voyage énigmatique d’une efficacité et d’une beauté plastiques parfaites.
Magali Cazo fait d’un réduit aux murs usés, « une paysagerie » de lieux imaginaires (l’expression est d’elle). Pas d’histoire ou de récit, juste des aperçus et des évocations à partir desquels l’artiste utilise, récupère et finalement réinvente le lieu comme Peter Brook a jadis sublimé avec une extrême délicatesse poétique l’atmosphère de délabrement du théâtre des Bouffes du Nord. Le travail de Magali Cazo se compose de plusieurs séries de dessins de dimensions (très) modestes. Certaines ont l’apparence de peintures réalisées sur papier buvard A4 avec des encres de couleur, d’autres, intimes comme des cartes de visites, sont exécutées à la mine de graphite à même le mur. La troisième série apparaît en couleur à l’endroit subtil d’une crevasse ouverte par un décollement de peinture, tantôt le long d’une fissure irrégulière, voire comme par accident à l’occasion du soulèvement d’un lambeau de peinture décrépie. Le regard embrumé d’imagination divague au milieu de ces microcosmes. Un silence intérieur accompagne ce spectacle visuel où flottent et baignent les rêves légers comme l’air de l’artiste. C’est étrange et somptueux, d’une culture merveilleuse et d’une sensibilité plastique proprement stupéfiantes.
Après quelques réserves mesurées en préambule, d’autres œuvres attirent l’attention. La galerie de héros masqués dessinés photographiquement par Marie Boralevi témoigne d’une technicité remarquable. Quelque peu limitées à leurs sujets, les œuvres peinent à faire oublier un travail antérieur plus critique, plus ouvert et davantage créatif de Françoise Pétrovich sur un sujet esthétiquement proche.
Avec sa scénarisation proprement théâtrale, l’environnement spectaculaire imaginé par Frédéric Oudrix crée l’évènement par sa belle emprise dans le collège désaffecté. Si elle ne brille pas d’invention plastique, la construction spatiale du paysage symbolique qu’il a installée illusionne avec réalisme.