ZeMonBlog
23/11/2019
Contre l’intranquilité de peindre, les œuvres semblent à l’inverse assurer un confort pictural habituel…
Les peintures se présentent comme des œuvres abstraites peintes directement sur papier. Deux sujets distincts semblent être chaque fois superposés sans jamais complètement fusionner. On voit en premier des silhouettes abstraites serties de plusieurs contours concentriques vivement teintés sur un fond polychrome. Des mélanges de lignes multicolores dessinées par dessus en pointillé composent le second sujet. Le titre à l’origine de l’exposition : « L'artisan et l'assassin » est-il dans l’association formelle des motifs superposés ou dans leur confrontation plastique-iconique ? D’un autre point de vue pictural, les œuvres s’apparentent à une cartographie rêvée ou des micro paysages fictifs.
Depuis plusieurs années, l’artiste s’intéresse aux principes méthodologiques et esthétiques des mélanges de couleurs. Elle semble, cette fois, avoir choisi d’expérimenter les techniques par une stratégie performative des mélanges à la fois chimique et optique des couleurs. Les sertissages répétés et les renvois manifestes ou allusifs à des courants artistiques confirment cet intérêt. Parallèlement, l’usage exclusif d’une manière brute de peindre donne aux tableaux un aspect plus décoratif que questionnant. On conclut que chaque œuvre s’auréole d’une beauté prioritaire-ment factuelle.
A travers la technique pointilliste appliquée aux lignes ondulantes, à travers les couleurs crues presque partout inspirées du fauvisme, à travers le dessin sommaire des formes et l’arrangement ou l’assemblage élémentaire des compositions, à travers le « look » d’un découpage « matissien » et l’image volontairement imprécise des silhouettes évoquées, à travers le style spontané ou/et parfois enfantin du geste pictural, à travers l’aspect frais des peintures, traitées en pochade, les œuvres renvoient au spectacle d’apparences essentiellement jolies.
Faut-il oublier ces apparences et imaginer à distance que ces travaux sont des recherches plastiques approfondies et non des productions d’amateur heureux ? Faut-il se laisser guider par les citations formelles et littérales de nuanciers de couleurs ? Contre le risque d’être troublé par l’accumulation de pratiques aussi descriptives que rudimentaires, voire d’apparences visuelles scolaires, une présentation critique du travail de Fabienne Gaston-Dreyfus par la galerie suggère que chaque œuvre engage un dispositif plastique processuel. On lit qu’« un motif central se laisse gagner par l’espace vide qui l’entoure…qu’une construction (par masses colorées) s’échafaude dans un espace presque perspectif… », que sous l’aspect de « coup de pinceaux répétés/ martelés », l’usage d’un pointillisme acte une culture de l’expérimentation coloriste, que les preuves d’inspirations historiques sont les index de connaissances creusées…
Contre toute attente, le fond d’architecture plastique rudimentaire des compositions centrées/ indépendantes sur leur fond blanc devenu inopérant, le geste pictural du toucher noyé dans sa répétition à la fois enfantine et mécanique, l’épaisseur constante des lignes ondulantes autant que l’emprise des peintures sur leurs supports de papier blanc inopérant attestent ou suggèrent à tout le moins et à contrario un art de peindre quelque peu superficiel et techniquement convenu.
En opposition avec l’intranquilité de peindre, les œuvres semblent d’avantage assurer un confort pictural habituel. Les principes et les moyens plastiques régulièrement employés sans esprit critique restent constamment basiques, au point que chaque peinture assure le sentiment que l’auteur se suffit d’un style de chromo apparemment moderne pour des murs d’appartements vides et anciens. Terriblement, dans un recoin de la galerie, une œuvre réinterprétée en tapisserie et réalisée avec des moyens informatiques sans éclat confirme les illusions esthétiques des peintures sur papier.