ZeMonBlog
09/07/2020
Ça, rue des Beaux Arts, et là, rue Beaubourg…
Vincent Bioules Galerie La Forest Divonne, rue des Beaux Arts
Les tableaux exposés traitent du thème de la série, un peu comme les cathédrales de Monet font réfléchir sur l’idée ou l’illustration du paysage en peinture, voire la plasticité de l’idée de variation en art. Ici, le paysage est celui d’un lieu-signe situé entre Montpellier et Palavas, en l’occurence la vue particulière de la lagune à l’endroit d’une maison isolée et d’une presqu’île en forme d’étroite langue de terre.
Les compositions diffèrent peu d’un tableau à l’autre, exceptée la hauteur de l’horizon. De rares tentatives de réflexion sur les objets figuraux (nuages, reflets, lumière ponctuelle, éventuellement une barque) suggèrent des essais de refondation du thème. Techniquement, grâce à une place prioritaire accordée à un badigeonnage mural proche de la fresque, chaque œuvre affiche sans faille la planéité de son support. Un style à la fois expressionniste et abstrait emporte certaines peintures dans des apparences plastiques énormes et pour cela réjouissent l’œil et l’esprit. Partant, quels que soient les tableaux, l’artiste rend à toutes ses potentialités visuelles une plasticité ouverte à la peinture en laissant de côté l’image seulement analogique et en se réappropriant avec audace la part aussi tactique qu’imaginaire de l’art.
Sur ces points hors de portée de l’idée de variation inventée par Monet, la peinture moins expérimentale et réflexive de Bioulès paraît molle. Faute d’être construites autour d’un regard en quête de profondeur, l’intérêt des compositions s’étiole à cause d’un geste qui ne sert qu’à recuire et resservir de la même façon des solutions déjà balisées. De sorte qu’au lieu de sidérer, cette peinture paraît s’épuiser dans le spectacle ancien et éculé de sciences de l’art n’évoluant qu’en surface. Cette peinture occupée par la satisfaction d’une beauté d’agrément simplement mural vit d’un plaisir de peindre respectable mais esthétiquement sans crêtes ni précipices.
« Cette chemise » par Olga Theuriet galerie Arnaud Lefèbvre, rue des Beaux Arts
Deux approches divergentes du même sujet : le vêtement éponyme et la feuille qu’on plie sur elle-même pour former une enveloppe. Cette seconde entrée constitue le projet créatif de l’artiste et les œuvres exposées.
Faites de papiers noir et blancs de diverses textures, ces dernières se présentent sous l’aspect de feuilles blanches pliées/dépliées géométriquement, avec en leur centre un assemblage informel d’aspect constructiviste. Chaque proposition évoque des sortes d’échantillons de tissus, comme les éléments dispersés d’un patron de couturier. Autour de cette composition, les plis de la feuille initiale dessinent un cadre traversé par des réseaux aux allures de cicatrices. Rien n’indique que ce cadre/réserve soit volontairement lié à l’assemblage central et qu’il forme avec lui un dispositif cohérent. L’exposition s’épand en associations abstraites de papier, serties par une zone neutre/blanche stylisée faisant corniche. C’est esthétiquement assez beau, aérien parfois lorsque la légèreté des papiers est apparente… Sur le plan plastique c’est moderne ; d’un point de vue créateur, c’est sans risque.
« L’arc en ciel de la gravité », galerie Poggi, rue Beaubourg
Excepté un intéressant projet sur papier de Sam Francis, une très belle étude de Simon Hantaï et un grand tableau raté et affreux de Jean Messagier, rien à creuser.
Christo et Jeanne-Claude à Beaubourg.
Beaucoup d’œuvres peu connues de l’artiste en sculpteur et en performeur. Sa méthode est globalement limpide à suivre. Avec ses évolutions et ses variations surprenantes ou subreptices, on la découvre également pleine d’ironie et de créativité personnelle, éloignée des Ready-Made de Duchamp, surtout, quand bien même des rapprochements purement historiques convaincraient d’une temporalité partagée. La moitié de l’exposition revient sur le projet du Pont-Neuf empaqueté. Retour sur une émotion à la lettre monumentale et sur un projet aussi antiquement beau que spectaculaire dans le paysage. En marge, on (re)découvre un dessinateur classique dans sa conception des formes et du dessin, talentueux et très mobile par rapport à leurs apparences plastiques. On surprend aussi un artiste songeur et enfantin quand il s’agit de jouer avec les regards des spectateurs, capable de malices dès que l’idée d’un souvenir visuel émerge. Dans l’exposition, un film sur l’histoire du Pont-Neuf empaqueté est à voir absolument : il montre comment, pour Christo et Jeanne-Claude, leur audace entre croisements avec le politique, le culturel et l’artistique, fut un temps parfois risible ou dérisoire, finalement et infiniment joyeux.