ZeMonBlog
01/10/2020
L’art occupe, encore faut-il convenir de ce qui fait sens d’art pour chaque occupé…
Armelle Sainte Marie : « Garden Party », Galerie Fournier
L’exposition forme à la fois un itinéraire rétrospectif et un projet artistique apparemment critique de l’artiste sur ses créations. Certaines peintures composées d’un sujet minéral peint comme un portrait orientent le style très travaillé de chaque œuvre parfois vers une iconographie vs une iconologie d’aspect onirique. D’autres peintures s’appuient sur des compositions informelles qui mélangent esthétiquement des effets matiéristes et gestuels. Qu’est ce que l’artiste semble penser de sa pratique ou du fait de produire des images vs des œuvres visuelles ? Les cheminements figuratifs ou non figuratifs et leur esthétisme sans scénarisation affirmée éclairent faiblement ces productions tantôt un peu peintes façon expressionnisme et tantôt un peu façon abstraction lyrique. C’est joli, mais c’en n’est pas. Ça fait rêver sans être étrange. Mais c’est joli !
Jean-Pierre Pincemin Galerie Dukto
Une idée suggestive du parcours artistique d’un artiste aussi discret qu’honnête et essentialiste avec la plasticité de son art. L’occasion est donc belle de revoir l’engagement du peintre pour certaines théories défendues par « Support-Surface », d’approcher sa créativité simultanément particulière et picturalement somptueuse, à la fois subtilement traditionnelle et fresquiste ou théorique-critique du fait artistique : une production foisonnante tout en altérité assumée. Après la rupture « idéologique » avec le groupe, le style de Pincemin évolue en se diversifiant par l’appel de l’orient, l’envie de revoir comment le figuratif peut malgré tout fonctionner en peinture et comment une idée d’expression peut se réamorcer dans la jouissance empirique du travail d’art, jusqu’à peindre en sculptant et imaginer des hybridations aller-retour de meubles-sculptures. Dans le bel espace de la galerie, les peintures sur toile libre densifient et libèrent l’espace des murs, d’autres œuvres réalisées sur châssis se concentrent sur un sujet et parfois se rapprochent de recherches plus proches de l’objet ornementale ou de l’image expressionniste. A mon sens, ce ne sont pas les meilleures. Mais bon sang que ce peintre a été franc avec lui-même !
Galerie Derouillon, Diane Dal-Pra, peintre.
Des personnages peints assis, apparemment repliés sur eux et qui sont pour partie occultés par des vêtements qu’ils portent comme des couvertures et qui les cachent aux regards. Pas de visages, peu de corps incarnés non plus, plutôt des « tas humains » vaguement dégrossis, anonymes. Peu importe qu’il s’agisse de femmes, qu’elles soient des déesses, des roturières ou des paysannes… Peu importe à l’artiste d’indiquer qui sont ses personnages ou comment ils s’intitulent. Peu lui importe, semble t-il aussi, que pour le spectateur, leurs représentations occupent littéralement tout le format de chaque support jusqu’à parfois combler et presque étouffer l’image. Peu importe encore que certains détails d’expression en relief suggèrent une impression de bas relief en créant sur la surface une étrangeté plastique. L’effet esthétique prime sur chaque tableau et nivelle la surface de la toile. La série s’intitule « Aqua in bocca » : « Motus et bouche cousue. » Exécutés sans trace de recherches ni disruption imaginaire, les tableaux se déclinent en personnages diversement stylisés pour des images artificielles.
« Tritonnades & Coélacanthe » Blackslash Gallery
Des dessins illustratifs à l’improvisation mal assurée, parsemés d’écritures infondées et bavardes faute d’être plastiquement utiles aux images, des sculptures animalières hybrides amusantes mais qui font regretter les univers fantastiques et créatifs de Gustave Doré ou de Lewis Caroll. Le thème de l’Odyssée parcourt l’ensemble, paraît-il… Ce serait bien que ça décolle en étant conceptuellement un peu plus étayé.
Robert Barry galerie Martine Aboukaya
Robert Barry fidèle à lui-même et à son art conceptuel : les paroles, les mots, et les phrases en suspens sont les index et la signature visuelle répertoriés de son œuvre. Les référents s’incarnent comme à l’habitude dans des « immatériaux » et n’apparaissent que sous l’aspect de textes conçus comme les éléments provisoires ou flottants d’installations in-situ. Dès l’entrée de la galerie, des lettres et des mots découpés dans un support argenté scintillant apparaissent ou émergent dans un désordre calculé sur les murs ou le plafond ; ils sont aussi disposés souvent sur deux surfaces en angle. Dans la salle principale, des petites toiles de couleurs vives peintes en aplat et présentées en carrelages disjoints, quelques mots épars font survenir des textes imaginaires sur des fonds monochromes vivement colorés… Parfois, certaines de leurs lettres occupent la tranche marquant l‘épaisseur présumée silencieuse d’un support en débordant « accidentellement » sur leur surface ou le mur extérieur mitoyen… Le mode d’expression en apparence toujours impersonnel de l’artiste mobilise encore des techniques d’expressions mécaniques où tout effet sensible et artistique est banni au profit d’une intention abstraite faisant office de démarche. Chaque dispositif est pétri d’allusions syntaxiques, de combinaisons interprétatives ou sonores, de rappels discrets d’aventures plastiques devenues historiques, comme celle des mots dans la peinture, l’usage tactique du all over ou du débord suggestif, l’accident ou l’imprévu vs l’improvisation iconique en partie issue de collage (avec toujours une possible relecture du détail dans la peinture)… Comme pour la plupart des artistes conceptuels d’importance, l’art de Robert Barry s’avère plus méditatif que logique ou littéral. Dire qu’il a pour le spectateur une pratique exigeante mais aussi facétieuse est plus mesuré. On songe pour cela aux interventions scénaristiques, lexicales et sonores de la poésie sonore, on s’amuse de retrouver l’humour et l’acoustique malicieux de John Cage, la fibre performative de Ghérasim Luca ou de Bernard Heidsieck pour les assonances.
L’exposition ne déroge à aucune des limites créatives de l’artiste, sauf à pointer avec réactivité qu’aucun contexte ne saurait le contraindre et qu’il peut toujours percevoir son travail comme une manifestation poétique. Le « white cube » de la galerie devient plasticité chimiquement pure ; chaque intervention de l’artiste s’y double de déclamations assourdies et fait songer que dans l’espace ou le temps, tous ses mots peuvent être symboliquement une peinture rupestre où sourd un texte filigrané dans l’épaisseur d’une page de calque
Louis Soutter galerie Karsten Greve
Profondeur d’un esprit bouleversant d’imagination expressive et artistique. Les dessins aux allures d’images en contrejour de personnages semblant danser bouleversent le plus. Par leur spontanéité manifeste et leur quasi absence de programme de composition, les autres œuvres (portraits, scènes visuelles improvisées etc) essentiellement graphiques, curieuses par le geste logorréïque et la technique envahissante de l’artiste, se révèlent finalement confuses et interrogent davantage sur le psychisme insaisissable de Soutter.