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Quelques galeries actuelles et des visites bizarres…

28/10/2021

Interrogations, bonheurs, déceptions artistiques et impressions bizarres 

Le microcosme de Francis Limérat à la galerie Univers    

        Francis Limérat échafaude des constructions en agençant plastiquement de fines baguettes de bois peintes en noir. On pense à des armatures fictives, des maquettes de réseaux irrégulièrement maillés, des tissages de lignes diverses, des abstractions purement graphiques… L’imaginaire prime, les qualités esthétiques des compositions surprennent : on entrevoit des paysages, des architectures mystérieuses et des découvertes de archéologiques, des amas de tracés flottant en nuages…     Dans l’exposition, la silhouette approximative des œuvres présentées à distance du mur redouble sous l’effet d’ombres créées par l’éclairage : l’inventivité de l’artiste se théâtralise en songes et vagabondages de dessinateur. D’autres œuvres sur papier prolongent la flânerie avec des sortes de plans, des cartes supposées et peut-être des vestiges imaginaires suggérés par d’autres lignes erratiques et des zones incertaines. L’intérêt de ce travail est dans ses égarements.    

       Les productions de Limérat naguère dépourvues de cadre ou de cernes et d’une beauté gracile et fluctuante réfutaient la géométrie arbitraire d’un encadrement. Leur forme visuelle aussi arbitraire qu’ouverte apparaissait plus ironique qu’étrangement poétique. Serties dans leurs contours géométriques, les œuvres actuelles paraissent contenues, les tracés comme des armatures naguère imaginaires errent aujourd’hui dans une cour fermée et normalisée.  Le travail créatif subit des bords comme une règle préalable dicte ses limites… Fini les nuages ! 

 

Robin Kid (a.k.a. The kid) chez Templon, rue du Grenier Saint Lazare    

     « It’s All Your Fault »* est l’intitulé de cette exposition dont il est écrit en préambule qu’elle réunit des œuvres d’un jeune artiste « néo-Pop autodidacte multidisciplinaire aux racines hollandaises. Ses œuvres détournent une variété d’imageries sociales, politiques et traditionnelles du passé et du présent en leur donnant des connotations parfois choquantes de rébellion, de religion et d’imaginaire. Il tire instinctivement du monde de la publicité, de l’internet, de l’industrie du divertissement et de ses souvenirs d’enfance pour créer des narratifs ambitieux et énigmatiques, suscitant la réflexion et interrogeant le monde polarisé du 21ème siècle. »    

       Sur les murs on voit donc des collages d’images de toutes origines zappées ou « rappée » par un chanteur à partir de l’info média en continu. Les sujets sélectionnés sont grossièrement isolés pour être grossièrement rapprochés ou superposés et finalement collés pour former des sortes de fresques narratives. In fine, le style général s’apparente à du street art dans une veine hyperréaliste. Une fois agrandi à une échelle monumentale, chaque photomontage est reproduit à l’identique. Tout ça rappelle irrésistiblement l’art de James Rosenquist : en moins spectaculaire, en moins malin d’un point de vue iconique, en moins créatif plastiquement et en moins technique, simplement. Reste le coup commercial ! * « Tout est de ta faute ». est le titre d’une chanson de Funhouse, un enregistrement de la chanteuse Pink daté de 2008.

 

Prune Nourry chez Templon, rue Beaubourg    

         La galerie est plongée dans le noir complet. La visite consiste à (re)découvrir des portraits sculptés au cours d’un parcours à la fois personnel, initiatique et mémoriel. Dans une salle voisine, un documentaire indique qu’il s’agit de l’artiste elle-même. On conçoit que le corps rémanent et l’image salvatrice de soi « écrivent » pour partie l’histoire d’un travail d’auto-portrait conceptuel et sensible. Bien que revue dans un contexte métaphorique, l’expérience a déjà été produite dans des contextes légèrement différents (notamment médicaux). Elle est toujours aussi délicate à « entendre » autrement que par le toucher, et s’avère toujours difficilement partageable. 

 

Martha Jungwirth galerie Thadaeus Ropac    

         Des peintures mettent, semble t-il, en scène des chiens avec leurs maîtres. Un travail de dessin et d’effusion gestuelle, de stylisation figurative entremêlé de compositions narratives s’impose avec force. On songe à des peintures rupestres. Le gigantisme des œuvres impose, l’aspect brut des supports évoquant la surface lisse d’un isorel et la stylisation formelle des sujets complète l’impression d’un retour vers des formes épurées à l’extrême… On songe encore à des épures de Picasso tentant de saisir la forme d’un taureau… On a surtout le sentiment d’être face à des expériences d’élèves d’écoles d’art s’essayant simultanément à la peinture gestuelle et à la transgression expressionnisme à défaut d’une étude plastique approfondie sur le mouvement, l’espace, le plan, la tache, le mouvement ou simplement la silhouette. Bien que saisissante par leur ampleur et d’une indéniable  efficacité esthétique, les œuvres se résument à des entrevisions d’animaux dessinés d’un geste du pinceau dans un style lyrique conventionnel.

 

Jean Degottex : « Reports » chez ETC    

        Rarement montrés, les tableaux de Degottex fascinent par leur finesse de conception plastique et esthétique. Les discernements de l’artiste interviennent partout : vis à vis du statut du tableau, de ses dimensions, de sa surface et de son orientation, de ce qui y est « figuré ». Les notions plastiques de mouvement et de rythme, de visibilité et de lisibilité, de littéralité et d’écart sensoriel, d’image et de non-image voire d’illusion formelle ne sont pas oubliées… Les « reports » ont aussi la particularité de survoler les difficultés expressives et la mémoire des gestes de pliages et de dépliages*, de poser le temps de l’atelier comme moment d’expérimentation. Que ce soit de très près ou à d’autres distances, l’impression ou la leçon d’une recherche constante sur le mystère du pictural domine toute considération sur l’ancrage stylistique de ce travail capable comme celui de Simon Hantaï, de marquer sa contemporanéité tout en se mesurant rétroactivement avec la vivacité des expériences plastiques actuelles.

* Gilles Deleuze, Le Pli - Leibniz et le baroque, Paris, Les Éditions de Minuit, coll. « Critique », 1988.

 

Thomas Zitzwitz et Kiyoshi Nakagami galerie Richard    

       Prioritairement esthétiques, les tableaux de Thomas Zitzwitz sont directement inspirés par l’idée de peindre d’après des effets de pliages. Le rendu des formes est induit par les nuances et les dégradés provoqués par la technique du spray utilisée pour peindre. Une présentation écrite présente l’artiste comme un maître de la peinture au pistolet et suggère un rapprochement avec le travail critique/plastique de Simon Hantaï ou l’étude de Gilles Deleuze sur le pli. Problèmes : le travail de Thomas Zitzwitz ne mobilise ni le figural ni le fond du subjectile, ni l’actualité de sa méthode. En d’autres termes, la superficialité de ce travail brille par un procédé limité à lui-même.     

        Kiyoshi Nakagami réalise des peintures d’effets de ciels et de nuages nocturnes théâtralisés par un rayon lumineux. C’est par nature à la limite d’être abstrait, c’est techniquement bluffant et pour cela impressionnant c’est très séduisant. A part ça, rien d’exceptionnel.

 

Claire Morgan chez Karsten Greve.    

       Une impressionnante installation in-situ combinant une grande corne suspendue à un nuage de graines vaporeuses accueille le spectateur. L’artiste dit exprimer « un équilibre précaire sur son point de rupture à la fin ». ( ?!) Ailleurs, dans des sortes de vitrines hermétiquement closes, ou dans des dessins au fusain, des fontaines de pétales ou de duvet jaillissent en fontaine du ventre d’oiseaux taxidermisés ou traitent confusément de « maitrise de soi » : « Je veux que mon travail confronte et déstabilise le spectateur, qu’il l’encourage à prendre ses responsabilités ».

        Qu’il s’agisse d’installation, de sculpture ou de dessin, les œuvres fonctionnent comme des amal-games syncrétiques ou comme des transpositions illustratives littérales davantage que comme des ensembles construits et structurés plastiquement. Les œuvres sont avantageusement portées par l’excellence artisanale d’une réalisation irréprochable mais aussi clinquante. L’intérêt créatif et esthétique de cette production prévue pour matériellement plaire reste à fonder.

 

Benjamin Sabatier chez galerie Thomas Bernard    

       « Home Work»… Des velléités d’analyse ou de recherches formelles et de références visuelles inopérantes pour des sculptures finalement sans intérêt esthétique et moches. 

 

Rebecca Bournigault à la galerie NEC    

        « Les émeutiers » intitule une ensemble de dessins réalisés en 2006. Le thème et chaque œuvre portent allusivement l’empreinte d’un engagement sensible. Reste l’intérêt créatif d’un travail jadis considéré « d’avant garde » sinon moderne et aujourd’hui singulièrement vieilli et dévalué par la faiblesse par ses considérations plastiques. L’artiste qui s’est en son temps maint fois exprimée sur l’attention qu’elle dit accorder aux vides dans le dessin et dans l’image se trouve rétrospectivement confrontée à l’indigence suggestive et expressive de leur implication formelle dans les œuvres présentées. Force est de dire que du point de vu des sciences de l’art, en l’occurrence la mobilisation scénaristique d’un support et l’invention d’une composition ou l’expression d’un espace, ça ne tient pas la rampe plus qu’une image  approximativement analogique ; ou que d’un autre point de vu, celui là, esthétique, les images confrontées aux forces graphiques et visuelles du dessin (voire de la tache, tandis qu’un procédé tachiste aquarellé accompagne le geste du trait) font petite pointure.

           L’exposition soutenue par une publicité « Best of » laisse un gout d’inconsistance.