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Quelques expositions troublantes…

02/12/2021

Des pratiques bizarrement accordées

Thierry Giac galerie Fabrique Contemporaine                   

          Thierry Giac est architecte. Parfois il peint. Pour son plaisir, et pour peu de chose d’autre. Enfin, il produit des peintures représentant des paysages. Les techniques sont variées, autant que les outils qui les permettent ou dont le peintre se suffit. Il s’ensuit des tableaux de factures marquées, reconnaissables aux différents styles visuels que chaque usage a permis, sinon favorisés.                  Le peintre dément s’inspirer de modèles, il assure tout inventer. Cependant le réalisme des peintures trouble, on présume des sources documentaires devant le travail de reproduction et de traduction expressives. L’artiste les récuse, mais cependant reconnaît voir de nombreuses expositions, de retenir des « vues »… On relève en ce sens que, parfois, des œuvres et des techniques ont été éprouvées ou sont simplement reprises, on repère les traces à succès de manières de peindre reconnues ou vaguement liées à des œuvres ou des époques.             

        Aucun autre fond qu’une pratique d’images superficiellement peintes n’émerge. Inutile d’évoquer une éventuelle attirance pour le fantastique. Pas la peine d’aborder une quelconque ambition plasticienne. Peine perdue si on évoque une ambition de création plastique, voire les débords inconscients d’une philosophie de l’art. Chaque peinture n’est que façade : circulez, il n’y a rien de plus à regarder qu’un tableau feignant d’avoir été « travaillé en peinture ». Thierry Giac se suffit de reproduire d’une certaine manière des vues de paysages et d’exhiber comment il les a peintes en artiste du dimanche.           

          Comme quoi, il est loisible de produire des tableaux majestueusement vides et d’une grandiose absence d’intérêt, des chefs d’œuvres habiles, mais sans épaisseur, légèreté ou aura.    

 

Daniel Dezeuze Galerie Templon rue Beaubourg.             

           Du temps de Support Surface, Dezeuze travaillait la question artistique du châssis, du cadre et du support du tableau dans une veine associant peinture, sculpture, installation et assemblages en tous genres. Tout à la fois minimaliste et ironique, sa production excellait dans des réponses paradoxales entremêlées d’allusions libres et de radicalités formelles. Rien n’a changé avec cette exposition intitulée « Ecrans, Tableaux : variations »…excepté le fond, la forme et le sens de termes qui l’un comme l’autre se sont vidés de tout contenu. Il n’a plus rien et ce n’est même pas drôle.   

 

Jan van Imschoot chez Templon rue du Grenier Saint-Lazare               

          Jan van Imschoot pratique une peinture savante, bourrée de références thématiques, formel-les et historiques. Parmi les vastes tableaux présents, les natures mortes font montre de leurs sources d’inspirations avec autant de réalité que d’ironie sur les codes visuels et formels. Monet, Cézanne, Chardin, Vermeer, Van Eyck ou Bonnard pointent leur nez avec des natures mortes aux asperges, des tables dont le premier plan est coupé par la présence d’un couteau faisant fonction de palier et de plan admoniteur pour le reste de l’image ; sur une toile, un bord de fenêtre sert en même temps de scène à un ensemble de bouteilles dispersées et à la perspective d’un paysage etc.             Quel que soit son sujet apparent ou la nature du clin d’œil à un artiste ou une œuvre connus, chaque production a le mérite d’être plastiquement à la fois claire et détachée d’un trop plein de sérieux susceptible de faire douter de l’entreprise un peu cynique et goguenarde du peintre affairé à proposer des pastiches pour les peintures et des parodies pour les intitulés.             

          Reste la façon de peindre ou le style un peu « expressionniste » mais surtout « bad painting » pour l’expression picturale, style ou esthétique qu’on peine à associer aux détentes visées ci-avant. Il n’y a pas moins réussi dans toute l’exposition.   

 

Présence Panchounette, Galerie Sémiose             

         L’exposition a pour titre « Section africaine ». Le groupe de plasticiens échafaudé en 1968 et, depuis, réputé informel a entrepris, semble t-il cette fois, de se gausser de la vision de l’art africain traditionnel dans le contexte du commerce « occidental » de l’art. Il réinvestit à cette occasion son goût du travail dilettante ou à priori le plus « idiot » possible, du détournement grotesque et du bricolage cocasse qui assurent sa marque et qui promeuvent depuis 1969 son pédigrée. Le résultat est amusant, sans plus, l’exposition est ironique sans démanger les conventions académiques de l’incongruité plastique et artistique de l’art modeste et se veut tendre avec la beauté de pratiques arbitraires depuis longtemps usuelles dans le domaine de la création contemporaine. Conformes à leur image d’artistes frondeurs et impertinents, les totems, les parodies de monuments ou de stèles et les images (re)peintes et détournées apparaissent dans l’exposition comme des montages hétéroclites et des recompositions baroques dans un contexte paradoxal de provocations d’amateurs et de collectionneurs/spéculateurs prévoyants… Sauf que, si depuis Duchamp le spectateur fait le regard et décide de ce qui est art, il est aujourd’hui aussi réel et entendu que la galerie et le banquier font asymétriquement l’opinion sur sa valeur…             

      La dialectique d’une création engagée politiquement ou d’origine dadaïste fonctionne t-elle encore tous azimuts ou reste t-elle « d’avant-garde » sinon innovante, lorsque plus rien ne saurait être plastiquement empêché ou esthétiquement ralenti, qu’aucune pratique plastique incongrue vs non académique ou qu’aucune hétérogénéité transgressive ne ressort et que toutes les productions artistiques se valent en ne valant plus que ce (ceux) qu’elles assurent (rassurent) ou rapportent ?   

 

Daniel Turner galerie Allen     

     Les trois œuvres exposées se présentent comme des surfaces blanches partiellement « enbrumées » par un nuage évanescent teinté de noir. Réalisée à l’aide par « imprégnation d’une laine d’acier inoxydable appliquée à l’aide d’un polissage à la main », chaque « peinture » dénote un programme simultanément événementiel et sensible du point de vue de l’image (l’effet de masse brumeuse) et minimaliste sur la forme voire la composition (le nuage informe). La question d’un thème ou d’une perspective conceptuelle des œuvres se pose dans le white cube préservé de la galerie comme pour les « contours erratiques des images »* dont «  la matière reconvertie »* n’est référencé qu’à travers une explication écrite mais visuellement inopérante. L’abstraction domine littéralement partout en emportant tout argument interprétatif et en focalisant l’appréciation sur le spectacle partagé de l’installation. Demeurent la beauté immaculée et potentiellement métaphysique de l’environnement naturellement blanc et l’affleurement essentiellement formel d’images d’apesanteur.  

 

* Erik Verhagen, Réinjecter du sens (texte de présentation de l’exposition)