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Trois expos questionnantes…

07/03/2022

Quand les expériences plastiques sont heureusement ou moins heureusement vagues…

« Ianua », chez Jousse Entreprise    

       Une exposition collective sur le dessin, heureusement présentée comme une constellation élargie d’approches. Les œuvres où «  le dessin est sensé prendre pleinement vie au travers d’une vie de métamorphoses lui permettant d’héberger simultanément plusieurs formes »* sont pour l’essentiel figuratives et illustratives. On ne peut que constater que, justement, l’image semble prévaloir sur les questions visuelles quand le geste du dessin s’entremêle séparément ou de façon hasardeuse avec les idées d’ébauche, d’esquisse, d’étude, de trace ou de note. On s’interroge sur « Le plaisir au dessin »**quand chaque artiste semblant avoir voulu faire un dessin fini avant d’en soupeser les possibilités de mémoire rémanente ou la fonction instaurative du faire.

 

*Emanuele Coccia, Métamorphoses, 2020, éd.Rivages, Paris. ** Jean Luc Nancy, Musée des Beaux Arts de Lyon, 2007

 

          James Hyde, galerie Les filles du calvaire     Il s’agit autant de peinture « attachée à un sujet » que d’art abstrait mural. L’artiste, attaché à combiner les techniques, brouille dans chaque œuvre les sources visuelles d’origines photographiques et des surfaces/objets géométriques peints de couleurs monochromes qui, dit-il, l’inspirent. On ne sait donc qui des premières ou des secondes fonde la construction mozaïquée des compositions cependant traitées comme des peintures. L’ensemble brille par ses citations partielles de sculptures, par son usage de documents photographiques déstructurés, par ses allusions au street art, au cubisme, à l’architecture contemporaine, à l’épure graphique du Bauhaus… L’intérêt des œuvres où tout fusionne dans un désordre calculé met à mal les plans figuraux comme les surfaces géométriques pour la plupart réparties et peintes par-dessus d’une unique couleur. Toutefois mal décousue ou illusoirement spontanée, chaque proposition plastique ne fait que vaguement croire à une recherche de sens sur l’idée d’agencements plastiques hybrides entre sculpture, peinture et photographie etc. Perdu entre et l’imagination fantasque et les prouesses nomades d’un Rauschenberg, on peine rétrospectivement à concevoir la nouveauté captivante de ce travail où, à quelques exceptions près (« Up and Down sculpture », « Midtown sculpture »), les peintures apparaissent factuellement plates, chichement agencées et plutôt « pas bien mal peintes ». In fine, ça convainc peu sur l’objet ou les idées créatives de son promoteur.

 

Rirkrit Tiravanija chez Chantal Crousel    

     C’est intitulé «  Démonstration drawings ». Rirkrit Tiravanija travaille sur l’«Esthétique relationnelle »* dans des contextes d’interaction entre la société, l’art et les spectateurs/publics. Les dizaines de dessins exposés reproduisent fidèlement des photographies montrant des inscriptions imprimées sur leurs tee-shirts (slogans, textes publicitaires ou de marques etc.). Les dessins sont au même format « carte postale ». Ils sont dessinés à la mine de graphite dans un style scolaire et impersonnel (chaque étudiant n’a eu pour mission que de redessiner l’image qui lui a été confiée). Par ailleurs, tous sont posés au centre d’un fond orange uni symbolisant la paix et la sagesse dans la tradition thaïllandaise. L’ensemble a des allures d’album bibliothèque de photographies de presse. Sur les murs de la galerie, l’ensemble est en partie calqué sur le principe d’une œuvre in situ.    

       La galerie indique que « l’exercice méticuleux des reproductions dessinées désamorce la violence des situations conflictuelles représentées ». Clairement inspirée de l’art conceptuel engagé des années 1970/80, la conception et la présentation de « Démonstration drawings » visent une lecture prioritairement politique du travail. Extrêmement intéressantes dans leur principe, les œuvres s’entremêlent à la fois d’intentions purement descriptives et de fonctions scénaristiques. In fine plus intermédiaires, pédagogiques et intellectuelles que relevant d’une démarche uniquement sensible, elles apparaissent peu conciliables avec une appropriation des moyens plastiques autre que méthodologique. Ce faisant, l’exposition se présente comme une installation et un clin d’œil à un art purement sociologique.

* Esthétique relationnelle, Nicolas Bourriaud, Les Presses du réel, 2001

 

Roland Questsch, galerie Ceysson et Benetière    

          Retour sans aura sur les expériences plastiques et esthétiques de Supports-Surfaces (tous les protagonistes de l’époque), du groupe Textruction ou du Groupe 70, de Rauschenberg ou Morris Louis…en moins intéressant et en moins bien esthétiquement.