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Deux pratiques artistiques bien distinctes de l’observation de la nature…

26/05/2022

Olivier Marty à l’Orangerie de Cachan et Joël Paubel chez Patrick Roger, place Saint-Sulpice

L’art paysagiste d’Olivier Marty    

        Olivier Marty connaît le paysage pour en enseigner l’histoire à l’école du paysage de Versailles. Il l’étudie aussi en pur artiste et, à ce titre, y puise matière à traduire ses ressentis artistiques dans des compositions mêlées de dessins et de peintures solidement argumentées des points de vue plastiques et expressifs.    

      En fait, l’image du paysage constitue pour lui une source inépuisable de stylisations et de définitions symboliques. Créer ou exposer ses mondes  revient à apparenter des configurations de végétaux, de plans, de taches, de formes, de trait et de gestes, des couleurs et des effets de matières, le tout en un certain ordre naturellement scénarisé.* Sous son regard avisé, l’image d’un paysage est autant faite d’émotions visuelles que d’instants mémoriels ; c’est un corpus d’empreintes authentiques et fabriquées, d’observations, de découvertes et de signes identificatoires inventés pour des représentations entre réalité et archéologie, une solution disruptive à l’oxymore de la réalité et de la fiction. Pour arriver à ses simplifications visuelles et esthétiques jusqu’à l’abstraction et soutenir une transposition arbitraire, il recoure des teintes en partie imaginaires, un graphisme aux apparences scientifiques voir à des assemblages inspirés par l’art conceptuel ou un tachisme lyrique. Comme il l’entend artistiquement, une fois interprétés et transposés ou stylisés et incarnées dans la peinture, ses tableaux, qu’ils soient uniques ou créés en frise apparaissent comme des théâtres de codes visuels et esthétiques ouverts à l’imagination interprétative.     

        Au fond, Olivier Marty s’exprime comme un artiste poète. Sa capacité à recomposer la peinture de paysage comme des mondes revisités en fait un créateur d’effets d’entendements  sensibles. Il peint pour être expressif avant d’être descriptif, et s’il parvient à croire et à faire partager la réalité de ses transpositions artistiques, c’est d’abord parce qu’à ses yeux, et finalement aux nôtres, il n’a peint que ce qu’il a vu.

 

Le paysage à l’œuvre et l’imaginaire artistique pour Joël Paubel    

       Le thème du paysage fonde et irrigue le travail artistique de Joël Paubel. Sa nature et ses images l’inspirent, quels qu’en soit l’origine ou l‘aspect immédiat, quoi qu’il puisse advenir des œuvres qui en découlent en retour. Il guette et cultive la vie de leurs signes visuels en artiste-paysan autant qu’en artiste-chercheur. Il y songe aussi comme descripteur averti et comme conceptueur-producteur soucieux de forger des œuvres aux apparences formelles et sensorielles chargées de sens.     

         Dans l’exposition, des tableaux sont tantôt accrochés aux cimaises et tantôt appuyés debout contre un mur comme des stèles ; il y aussi de longues tables couvertes d’œuvres composées en duo ou ordonnées en miroir comme on rassemble des séries d’études et de vues de styles divers en couleur ou en noir et blanc. Des volumes étrangement sphériques, incarnés dans des boules de papiers colorés et froissés mobilisent le sol par endroit. Certaines œuvres sont peintes sur toiles, d’autres sont conçues sur carton ou sur papier, voire sous la forme de livres-accordéons (des leporello). Les formats contrastés et les méthodes créatives souvent employées de façon inattendue entremêlent les techniques traditionnelles et les visions disruptives. Il y a de la spontanéité et de la distance conceptuelle partout : bref on se perd en conjecture tant la forme de l’exposition rappelle autant l’univers intime et intuitif de l’atelier qu’une inquiétude sur l’instauration du travail artistique.      

        Chaque étude tourne autour du paysage et du paysan de son enfance bresssane. Des peintures évoquent simultanément la campagne naturelle et la mosaïque administrative des champs cadastrés. Des vues complexes faites d’arbres et de végétaux largement brossés à l’encre comme des pochades et des croquis « informels » cryptent plastiquement des relevés à la fois partiels et généraux. Rien n’est caché des ressources qu’impose la recherche quand elle se veut arbitraire, réservée ou suggestive. Partant, les œuvres peuvent librement être descriptives ou synthétiques jusqu’à l’abstraction géométrique, simplement sensibles, ou purement expressives comme pour une œuvre d’amateur éclairé. Joël Paubel se sait autant dessinateur que peintre, autant concepteur d’apparences que metteur en scène de formes allusives ou focalisées sur un aspect d’un sujet particulier. Son travail aussi rémanent qu’actif sur les stratégies créatives tisse les arpentements historiques et sensibles d’un univers personnel traversé de faits et de gestes paysans, de souvenirs et de visions anticipatrices en même temps qu’attentif et critique aux effets de l’anthropocène. A travers leur esthétique toujours rigoureuse, ses œuvres aux apparences visuelles parfois improvisées, la constance inventive de leurs compositions  faites d’élans et de gestes tachistes ou lyriques du dessin, confortent le sentiment d’une imagination artistique sans cesse refondée.