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Sur quelques feux artistiques et quelques expositions parfois à la recherche d’une allumette…

20/10/2023

Quelques feux artistiques…

Lionel Sabatté, Poussière des cîmes…et des forêts chez Ceysson et Benetière

Des paysages de forêts denses, traversées de brouillard et de trous d’ombre la nature se teinte de transcendance… On connaît la technique d’expression visuelle du peintre dont les recherches plastiques s’activent sur l’esthétique mémorielle et métaphysique de la poussière et des dépôts, résidus etc. Il les recueille pour les déposer en tas ou les éparpiller dans des visions ou des sculptures toujours oniriques. Dans cette nouvelle exposition placée sur le thème « Poussière des cîmes », les tableaux conçus comme des panoramiques ou séquencés comme des regards par phases montrent des arbres filtrant des troncs en fatras, futaies et feuillages. Des effets de lumières se déploient en effets de clairières et d’espaces intermédiaires, les images s’environnent d’effets de théâtre où le rêve se justifie de lui-même.

L’expression visuelle de Lionel Sabatté se retrouve dans les esthétiques entremêlées des écritures automatiques scénarisées par André Masson en 1924, à travers l’outil technique/plastique du photogramme et les « empreintes de vent » imaginées par Yves Klein. On suit sans difficulté l’avancement de son travail de mise en forme. Les dimensions temporelles qu’évoquent les dépôts de poussière ou autres relancées par l’artiste chapitrent en ce sens les mouvements d’instauration de son travail in process. La beauté et le succès esthétique de ses œuvres ne s’y limitent cependant pas en suggérant des vues d’esprit plus environnementales que focalisées sur la surface de leur subjectile. Les manières qu’a Lionel Sabatté de chercher la somptuosité des effets d’espaces et de supposer des plans successifs subliment la fragilité intentionnelle du dépôt, de la trace et de la mémoire pour rejoindre plastiquement, de tableau en tableau, des contes visuels. 

 

Andres Serrano, pour le coup plus peintre que photographe

Première exposition de « vraies » peintures de Serrano. Bravant les aspects plastiques de sa production habituellement photographique, Serrano peint seulement… sur des photographies représentant des sculptures mythiques de personnages et de scènes religieuses. Intitulé « The doom of beauty » (Le destin de la beauté) le thème de l’exposition questionne les modèles iconiques dont l’artiste entend défier l’image par la peinture. Le « David » de Michel Ange ainsi que d’autres sculptures grecques et romaines sont ainsi symboliquement « prises à partie » et retravaillées par la peinture vs le geste spontané et la couleur véhémente d’une esthétique expressionniste qui ne ce cache pas d’en être.

Les œuvres sculptées déjà réduites à des vues en deux dimensions et reconsidérées par les moyens de l’image peinte affirment le choix de Serrano de dépasser leur contenu initial, voire de les « retoucher » métaphoriquement en puisant spontanément dans la forme murale du graffiti. Andres Serrano connaît l’histoire de l’art et il sait autant le poids symbolique que les résonnances métaphysiques de ses modèles de référence. Il y a du rituel dan son geste arbitraire et dans ses songes de réhabilitation du vivant contre l’éternité minérale des sculptures. On songe aux actionnistes viennois autant qu’à Arnulf Rainer, chaque vue hurle et prie en même temps. Littéralement confronté aux nouvelles représentations voire au tableau que l’artiste donne de leur célébrité artistique, chaque spectateur devra encaisser les œuvres comme on reçoit simultanément dans le plexus deux coups de poing stylistique et métaphysique.

En souillant et en griffant la chair supposée sanguinolente des corps de marbre avec des taches, en l’incisant et en y laissant dégouliner sa peinture rouge, Serrano fait à la fois gémir les corps et gueuler son geste pictural. La puissance plastique des œuvres tient en écho de ce que chacun préfèrera privilégier : le choc d’exposition créé par le graffiti peint que des images photographiques transgressées ou leur sujet initial symboliquement déplacé.

 

Jonathan Meeze dans ses légendes chez Templon.

Meeze s’inspire cette fois des contes et légendes. Leurs histoires à la fois joyeuses et contradictoirement dérangeantes font place à une peinture tonitruante et dans tous les sens du terme expressive où les emportements de matières picturales gouvernent de toutes les façons possibles, surtout de façon spectaculaire.

Car aussi grandes que soient les peintures et aussi expansive que paraît ou s’affiche la technique du peintre, rien ne brille d’une originalité artistique renouvelée. C’est gai, ça fuse, ça part dans toutes les directions, c’est à priori joyeux et organisé comme un vaste bazar de sensations, d’évocations et d’entendements au premier degré des contes, mais sans bouleverser le cadre traditionnel du tableau ou s’interroger sur le fait pictural voire sur l’apparence expressionniste. On ressort ravi d’avoir vu un spectacle tout à la fois performatif, exubérant, tonique et coloré, mais aussi daté, classé et dépassé depuis des lustres.

 

Robin Kid ; « Kingdom of Ends » (Royaume des fins), Galerie Templon rue du Grenier Saint-Lazare.

Tous les poncifs de l’hyperréalisme et de la brillance technique (parfois jusqu’au trompe l’œil), de la story d’apparence artistique, de l’assemblage d’installation surjouée et du fabriqué clinquant sont réunis dans cette production laborieuse aux allures de combinaisons d’icônes et d’écussons puérils de la société américaine. Y dénonce t-on quoi que ce soit ou au contraire, y fait-on l’éloge de quelque symboles ? Les œuvres « énormes » ne semblent tenir lieu que de paroles bruyantes. On ne (re)découvre plastiquement à peu près rien de qui a déjà été imaginé, étudié et conçu avec talent et sensibilité par Robert Rauschenberg. Entre autres !

 

Qiu Shihua, « Neiguan » (Vision intérieure) galerie Karsten Greve

L’exposition réunit des toiles produites entre 1995 et aujourd’hui. Qiu Shihua est un peintre chinois qui s’intéresse au genre du paysage. On informe que le peintre s’inspire de l’art taoïste en évacuant le superflu et en se concentrant sur le processus créatif de « l’action par l’inaction » nous informe t-on ! lci, l’art du paysage est traduit par des visions symboliquement saturées de lumières où les formes se dissolvent dans un blanc général jusqu’aux limites du perceptible à travers des images quasi monochromes. C’est imposant, très beau et éminemment poétique, mais sans risquer une technique picturale originale ou novatrice. On indique aussi que l’artiste s’est épris des certaines recherches impressionnistes. Ça se voit comme un Monet en filigrane.

 

Monique Frydman dans Sa peinture, chez Dukto quai Voltaire

Monique Frydman annonce peindre « L’autre Rive ». En 2019, c’étaient Les Rives, L’Orée ou Les Aubes. On devine que le paysage et la nature, comme le mouvement instaurateur de son travail en train occupent simultanément toute l’attention de l’artiste, au point de les associer et les fusionner dans des évocations plastiques d’apparences presque subliminales. Monique Frydman creuse et suggère du temps d’intégration picturale en assemblant, en juxtaposant, en superposant des apparitions variées et des aspects visuels par des taches de couleur à la fois harmonieuses et inattendues. Partout les espaces peints augmentés de reprises à la craie et au pastel semblent des champs d’art d’expression visuelle pure. Les zones et les échantillons colorés cessent vite d’être informes pour muer en compositions esthétiques où les matières entre effets de transparences ou de translucidités s’ouvrent à des recherches de rendus à travers lesquels la beauté picturale apparaît in fine exclusivement sensible.

 

André Marfaing, retour sur le passé d’une abstraction picturale, galerie Claude Bernard.

Il s’agit à la fois de « réhabiliter » le peintre, adepte comme Soulage du noir et blanc et de l’abstraction gestuelle et de lui rendre hommage. Même replacée dans son époque (il représenta la France avec Messagier, Poliakoff, Manessier et James Guitet, à la biennale de Venise en 1962), force est de dire qu’aujourd’hui les œuvres apparaissent effectivement datées et d’un style fondé sur l’effusion de la tripe artistique aujourd’hui singulièrement épuisé.