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In situ…ou pas!

19/08/2024

Deux pratiques de l'In situ, en théorie…

« Aux Bons Carrés » ou : quand Daniel Buren fait son « bon marché »…

        On sait que Daniel Buren ne manque ni de réactivité ni d’humour, pas moins de sagacité ou de goût du spectacle quand il s’agit de jongler esthétiquement avec un environnement. On sait aussi qu’il sait parfois faire dans la facilité voire la répétition.

         Le Bon Marché se présentait comme une occasion inratable de mobiliser son art d’à la fois paraître et apparaître ; il en a profité comme on pouvait s’y attendre. « Aux Bons Carrés », sa nouvelle œuvre in situ semble dès l’abord une intervention sur site adaptée comme il sait en produire ; pour la circonstance, c’est également une manière provocatrice de risquer dans le magasin une proposition artistique « contre décorum », peut-être la suggestion d’un retournement plastique-sémantique teinté de moquerie, voire de jugement social. Je force peut-être ici l’impression personnelle.

      L’œuvre occupe une partie architecturale essentielle de l’intérieur magasin, des escaliers mécaniques, et, extérieurement, un ensemble de vitrines sur rue. La silhouette principale du travail effectué reprend l’usage fondateur du concept d’outil visuel développé par l’artiste depuis BMPT, en l’occurrence un module géométrique minimaliste à la fois modulaire et composable mis en perspective dans un site. Pour « Aux Bons Carrés » Buren met en scène la répétition d’un carré coloré de 50cm de côté dans deux vastes compositions parallèles spectaculaires en forme de suspensions. Les deux œuvres tombent du plafond de l’immense verrière centrale du magasin comme des lustres cinétiques à facettes ou deux cascades colorées translucides habillent la notoriété d’un lieu capital. Côté rue, l’usage des carrés, inspirés des carrés composant la dite verrière, paraît, rebondit et se reflète dans les vitrines sous l’aspect de damiers réfléchissants. Comme à son habitude, l’artiste complète et surjoue son travail créatif en habillant certaines parties intérieures et extérieures de l’édifice avec les bandes verticales de 8,7cm de largeur qui font signe de son style « immuable » d’artiste conceptuel minimaliste. L’image générale du magasin, la superficialité de son ostensible théâtre commercial pour clients fortunés semble se confronter à la démarche apparemment formaliste et (facilement) décorative de l’artiste. L’efficacité simple des compositions modulaires rudimentaires inventées et installées par Daniel Buren rend en même temps un peu fades les éclats commerciaux des lieux scénarisés et « atmosphérisés » par l’éclairage luxuriant.

           Le volume de la verrière où l’artiste a été invité à « poser » sa création impose le vide de son énorme cage de scène. Divers artistes ont déjà eu l’occasion d’y placer leur art comme on met une œuvre en valeur dans un écrin doré. Composées comme deux tombées imposantes, identiques et colorées, l’une jaune et bleue, l’autre verte et rouge, les « cascades » occupent l’essentiel du volume disponible en diffusant chacune leurs bichromies complémentaires dans un décor à la fois abstrait et cinétique de reflets multiples. Mus par un pointillisme discret, les carrés formant des gouttes géométriques poétisent l’espace sans s’entremêler avec les brillances commerciales diffuses des espaces de vente. Les bandes verticales propres au style iconique du peintre, qui habillent les garde- corps de quatre escaliers mécaniques traversant le site au milieu des cascades silhouettent un nœud en X purement formel. Depuis l’extérieur, les vitrines se substituent au look du magasin dont le peintre a rhabillé la façade et l’apparence extérieure du logotype graphique et esthétique de ses bandes verticales.

         L‘installation instaurée est impressionnante tant elle paraît englobante. Tout en mobilisant en continu des images imaginaires et tout en suscitant avec chacune de ses installations in situ la mise à distance de ses partis pris artistiques individuels, Buren, rappelant le fond d’engagement de ses débuts d’artiste, excelle à faire oublier la simplicité basique des éléments formant, l’aspect pratique de son approche conceptuelle de l’art, tout en faisant résonner le volume et le creux gigantesque d’un lieu symbolique central du magasin, conçu comme une parure et un spectacle d’apparences futiles. « Aux Bons Carrés » semble vouloir ironiquement restituer à la rue la part de fond anartistique et d’âme populaire que « Le Bon Marché » lui dénie ostensiblement.

 

L’analogisme littéral d’apparence artistique de Matthew Barney à la Fondation Cartier

       « Secondary » (Secondaire) !… Matthiew Barney se rappelle avoir pratiqué le football américain et la lutte. Matthiew Barney se souvient avoir mal vécu le récit d’un accident grave survenu en 1978 entre deux joueurs au cours d’une rencontre de football. « Secondary » est-il principalement l’expression opposée au drame vécu dont l’artiste entend s’inspirer et réactiver humainement et esthétiquement la mémoire à la fois collective et personnelle ?

        De tout cela Barney a tiré prétexte à une proposition d’œuvre environnementaliste, polymorphe et en partie rétrospective, la reconstitution à l’identique d’un terrain de football en réduction, réverbères et écrans de retransmission en direct compris, une imitation textuelle où les références et correspondances expressives sont appliquées sans le moindre écart intelligent ou selon des codes d’interprétations convenus. De sorte qu’au lieu de susciter l’étonnement, la réflexion ou l’appréciation d’une proposition innovante, dans l’attente de distances créatives sensibles, sinon d’ampleur, l’exposition patine en se limitant à l’égo de l’artiste auto référencé comme performeur, en étant bâtie sur un mix évanescent d’art conceptuel, d’installation in situ, de « sculpture », de mime ou de break danse et de théâtre de rue ou encore de photographie technique. Après un temps de curiosité déçue, on sort sans impression d’avoir découvert ou appris quoi que ce soit. Bof !