ZeMonBlog
01/08/2025
Quelques trois expos…
Brice Marden de lui-même en pleine nature à la galerie Gagosian
Les dessins filent des dédales à la fois graphiques et colorés de lacis méandreux ponctués de touchers tachistes. Leurs compositions étalent leur all over comme un sujet s’illustre hors limite. Tout semble inspiré de façon égale par la fluidité des cours d’eau, leurs fonds à la fois caillouteux et algueux ; on a l’impression que tout s’entremêle ou s’enchevêtre à la fois passagèrement et ponctuellement aux fils des remoux et dans l’insouciance de savoir si chaque vue s’annonçait définitive ou confuse. Face aux œuvres uniques ou assemblées en multiples, je divague, confronté à leur apparence désordonnée et à une subjectivité à la fois factuelle et mémorielle du peintre, aussi capable de faire songer aux Nymphéas de Manet qu’aux gestes de Jackson Pollock ou Mac Tobey, voire aux écritures automatiques imaginées par les peintres surréalistes exilés pendant la seconde guerre mondiale aux USA et à la reconstruction conceptuelle de la surface peinte échafaudée depuis.
Les œuvres sont majoritairement divisées en deux parties, comme un scénographe scénarise l’espace à sa disposition. Constitués en zones, leurs surfaces fluctuent en même temps que des porosités rendent leurs limites évanescentes. On décèle pareilement dans nombres d’entre eux une sorte d’avant scène fictive dont la fonction semble être celle d’un espace admoniteur. L’organisation théâtrale des Ménines par Velasquez et, en miroir, du peintre pensant l’avancement de son travail refont surfaces et Brice Marden s’imagine en retrait, guettant le devenir de l’œuvre en train, y préparant allusivement l’œil du spectateur.
Des pratiques explicitement graphiques sont parallèlement mêlées à la peinture. Des silhouettes de cryptogrammes s’entremêlent aux lacis compliqués et picotés au hasard de taches colorées. Qu’ils soient indépendants, ordonnés par séries ou agencés en polyptiques monochromes, les dessins accumulent les écritures abstraites, provoquant des hypothèses et des perspectives de sens hors du jeu strictement pictural.
C’est ainsi que sous ses répétitions échoïques, son travail régulièrement intitulé « Sans titre », mais évocateur d’expressions visuelles documentées et allusives sélectionne ses pratiques plastiques non figuratives. Toutes choses étant égales, Brice Marden ne s’affiche pas seulement comme un peintre admirateur de l’impressionnisme des Nymphéas de Claude Monet, il se revendique parallèlement comme artiste conceptuel attaché à définir ce que peindre artistiquement peut faire faire à l’œuvre plastique pendant sa mise en apparence(s). En considérant chaque œuvre à l’aune de ses avancements et des questionnements esthétiques du peintre autour de la simultanéité indéfiniment répétée d’une articité essentiellement gestuelle, la beauté factuelle de son travail fascine en devenant captivante. Les dessins de Brice Marden s’ouvrent sur une autonomie et une simplicité à la fois sensible émouvante.
Drew Doge à la galerie Sémiose
« Les éléments du vocabulaire plastique de Drew Doge sont en place depuis ses toutes premières peintures, quand l’artiste avait tout juste vingt ans… » prévient-on.
On y voit effectivement se reproduire à peu près tout ce sur quoi une précédente exposition s’appuyait déjà : un projet de peinture figurative et surtout d’illustration fermement intéressée par les compositions narratives plutôt destinées au livre de jeunesse. Si donc ça n’exclut pas quelques hardiesses de mise en image, une exécution méticuleuse et quelques références artistiques historiques (notamment du côté de Max Ernst), on en reste à de l’imagerie jolie et sympa, à regarder un moment.
Richard Woods, également à la galerie Sémiose
« Richard Les Bois » alias Richard Woods (re)peint vs recouvre de vraies étagères en imitant leurs nervures. L’esprit ironique, le style graphique à la fois grossièrement « trompe l’œil » et caricatural de vrai bois se conçoit au mieux comme un trait d’humour calembourgeois.* Richard Wood se veut des airs malicieux d’enfant espiègle. On peut donc s’amuser de la coïncidence instillée entre son nom (qu’on suppose réel) et les objets peints qu’il présente. On peut naïvement être aussi amusé de lire qu’il relie son travail au Pop Art (on songe à Lichtenstein) ou à certains designers qu’il dit admirer.
On peut encore se réjouir de ce qu’il s’attentionne aux objets pour ironiser sur leurs perspectives utilitaires (des tables, des planchers, des étagères…) comme Duchamp a pu mobiliser conceptuellement des objets. On se pique de repenser aux artistes dadaïstes et néo dada et leur poésie apparemment détachée.
Sauf que l’épaisseur est ici mesurable et que la stylisation confine à un maquillage naïf, que l’horizon esthétique paraît sans éloignement ni avancée, et la poésie s’abstrait au ras des pâquerettes.
…On sourit, et on passe.
* Gérald Gassiot Talabot, Christian Zeimert, peintre calembourgeois, Hachette livre, 1973