ZeMonBlog
12/02/2016
Le travail de laboratoire Myriam Gourfink s’annonce comme un appel à projet de danse. Les puissances expressives qu’elle entend réinterroger de façon pragmatique sont sans concession, comme la sensibilité non exclusive qui l’anime…
Miriam Gourfink a organisé l’espace scénique en le séparant en deux aires distinctes : à gauche, ce sera la danse, à droite, la musique. Dans son espace réservé, la danse devra évoluer sur une surface restreinte à un carré (un losange vu des gradins) silhouetté par les traits lumineux de projecteurs posés au sol. Quatre danseuses regroupées et seulement vêtues d’une sorte de combinaison couleur chair incarneront la danse, laquelle sera faite de très lents mouvements.
Dans l’autre secteur, deux tables, des ordinateurs, du matériel électronique, divers objets et des enregistreurs qui serviront d’instruments de musique…
Pas de décor, seules les deux aires modérément éclairées et mises en jeu dans une pénombre apparemment naturelle.
Sur son apparente épure projetée au sol, le spectacle s’annonce d’avantage comme une performance chorégraphique expérimentale que comme un ballet.
Etroitement liées les unes aux autres, les danseuses évoluent en groupe dans une lenteur de danse Buto. La danse est traduite en « brassages de corps à corps », l’idée de déplacement remplace celle de mouvement, la durée et le rythme sont convertis en suspension, plus rêveuse et ouverte à l’expérimentation formelle que la simple lenteur. La musique forgée aux univers à la fois bruitiste et électronique accompagne les danseuses en accentuant l’impression que la chorégraphe a cherché de nouvelles manières d’incarner la danse qui apparaît mue comme par sa propre exploration.
Les danseuses, comme un buisson d’algues marines en apesanteur s’emmêlent et se démêlent comme des objets cherchant à s’alléger les uns par rapport aux autres. Ensembles ou séparément leurs corps fusionnent en créant des ensembles apparemment sculptés. Quand des séparations se produisent ou que des binômes se forment, c’est en glissant partiellement comme des protozoaires se regroupent en se laissant évoluer ensemble dans des courants d’eaux à peine agitées par un imperceptible vent. A d’autres moments, le même spectacle s’apparente à des foules compactes évoluant en masse. Créée en direct, la musique donne un Là aussi imaginaire que réel. Les musiciens, en semblant ne pas choisir entre des bruits et des sons qu’ils aiment, ou qui « se produisent », intègrent simultanément la danse de façon virtuelle et volontairement décousue.
Le travail de laboratoire Myriam Gourfink s’annonce comme un appel à projet de danse. Les puissances expressives qu’elle entend réinterroger de façon pragmatique sont sans concession, comme la sensibilité non exclusive qui l’anime. Si les techniques dont elle s’inspire rappellent des questionnements historiques sur la puissance expressive du mouvement, on retiendra que sa manière de penser le spectacle chorégraphique comme un intervalle entre performance et expérimentation de laboratoire permet à la danse d’être poétiquement revisitée sur des bases oubliées de l’expression corporelle.